Je souffre, pourquoi ?

Je donne cet article à des personnes en désarroi face à la maladie notamment.]

Moi seul le sais
Le sens de la souffrance
Quand je souffre, c’est le sens de ma vie qui est mis en question :
– le sens, comme signification : ça veut dire quoi ?
– le sens, comme direction : vers où ça me mènera ?
Le pourquoi de la souffrance reste une question sans réponse, dans la mesure où il ne peut y avoir d’autre réponse que celle que chacun formule pour lui-même. Pas de théorie générale de la souffrance, pas de théologie de la souffrance, etc. Cela a-t-il un sens ? Cela doit-il avoir un sens nécessairement ?
Me voici à l’écoute de témoignages, pour me poser de bonnes questions plutôt que pour chercher de bonnes réponses.

De la douleur à la souffrance
Quelque chose s’est brisé
Je souffre dans mon corps, c’est ma douleur. Mais je suis éprouvé(e) plus largement encore, c’est ma souffrance. C’est comme l’ombre de la mort sur ma vie. Et rien ne peut le justifier, ni les humains, ni leurs idées, ni les religions, ni leurs idéologies.
Ma douleur, les médicaments peuvent l’apaiser, la plupart du temps. Mais ma souffrance ? Ceux que j’aime me manquent, je ne suis pas à ma place, mon temps et mon espace ne sont plus reconnaissables.
Il me faut à tout prix pouvoir le dire, mais je n’ai pas les mots. Je n’ai que les maux. Pourtant, je le sais, tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime, et je ne veux pas rester avec ça en moi, sur moi. Je n’ai pas de langage très compréhensible, sinon le cri, la larme, la colère, le silence…
Les autres ne comprennent pas vraiment. Certains ne le veulent même pas. D’autres voudraient, mais ne le peuvent pas. C’est ma souffrance parce que c’est mon corps, c’est ma vie, c’est mon chemin. J’essaye de ne pas m’y attacher mais c’est elle qui s’attache à moi. C’est mon problème mais comment faire pour que ce ne soit pas ma prison, mon tombeau ?

En Dieu
La confiance, coûte que coûte
Ayant dépassé la question de la cause de ma souffrance, je la vis dans la foi, dans l’espérance de la guérison, dans l’assurance de la victoire de la vie sur la mort, dans un lieu et un temps que j’ignore. Je place mon existence entre les mains du Seigneur pour qu’il la bénisse, avec ou malgré la maladie.

Sans Dieu
Penser sa vie sans Dieu, et sa mort aussi
J’ai toujours pensé à ma vie sans penser à ma mort. Et cette dernière vient se rappeler à moi, par l’épreuve de la maladie et les menaces qu’elle profile.
L’expérience de la souffrance m’est tellement personnelle, que nul autre ne peut la comprendre, pas même Dieu, surtout si je le crois élevé dans les hauteurs célestes, loin de ma réalité. C’est un athéisme pratique, vécu en fait par certains « croyants » pour qui Dieu n’est qu’une idée, qui est balayée par le vent de la souffrance dès la première rafale.
Et Dieu ne devrait-il pas faire quelque chose, s’il était là ? Y a-t-il vraiment quelqu’un qui puisse désirer ma souffrance, qu’on le nomme “diable”, “mal” ou pire encore, Dieu lui-même ?

Avec Dieu
Un Dieu qui aime est un Dieu qui souffre
Je souffre avec Dieu parce que Jésus a souffert. Le Christ comprend ce que je vis. Il a vécu la souffrance dans une injustice totale, dans son corps et dans sa tête.
Je vis ces moments avec Dieu parce qu’il se bat contre la maladie et la mort. Le Dieu de la bible a toujours combattu pour la vie et l’espérance, contre la mort et le désespoir. Ils s’est toujours dressé contre la maladie et tout ce qui brise l’humain.
Le dernier Ennemi, c’est la mort. La résurrection du Christ est le triomphe sur la mort. Elle ne vient pas l’annuler, mais la vaincre. Dans ma vie aussi, je dois vivre de cela, de ce combat et de cette victoire.

Contre Dieu
Quel sens tout cela peut-il avoir ?
Si Dieu conduit toutes choses, alors il me conduirait aussi dans cette souffrance, ou au moins, il laisserait faire les choses ? C’est contre ce dieu-là que peut se vivre le combat de ma souffrance. Mais ce dieu-là n’est pas le Dieu de Jésus-Christ.
Je peux avoir le sentiment d’être oublié par Dieu, et ma colère monte contre ce Dieu d’amour qui ne me manifesterait pas son amour, ce Jésus médecin qui ne me guérirait pas, ce tout-puissant qui n’aurait pas le dessus. Le Dieu de permet la colère : il n’a pas tout écrit d’avance.

Pour Dieu
Une drôle d’idée qui nous traverse parfois
J’entends dire « J’offre ma souffrance au Seigneur ». Il s’agirait de donner sens à l’absurde. Cet effort dans l’épreuve, je l’offrirais avec l’indicible espoir qu’il soit reconnu, décompté, et qu’il attire sur moi la bienveillance de Dieu. Cette idée n’est pas dans l’Evangile, même si elle peut traverser mon esprit divaguant au gré de ses souffrances.
Même si le Christ a ouvert un chemin de souffrance assumée, sur la croix, même s’il a vécu cette expérience jusqu’au bout, il a voulu donner fin à cette domination du mal et de la mort. Si ma souffrance est un écho à la souffrance du Christ, elle ne me sauve pas. Dieu seul le peut, par son amour. La souffrance ne rachète rien.

Du « pourquoi ? » au « Je ne sais pas… »
Renoncer sans fatalisme
Il y en a, des discours sur l’origine du mal, mais le chemin de paix le plus sûr pour mon cœur est celui qui me mène du “pourquoi ?” au “je ne sais pas…”.
Je renonce au rêve de tout savoir. Ce n’est pas un fatalisme qui me conduit à accepter tout, l’injustice de la souffrance, les discours des faux-consolateurs, les délires des moralisateurs.
“Je ne sais pas pourquoi…”, mais ce que je sais, c’est qu’une lutte est à mener, une lutte qui me dépasse, et pour laquelle j’ai du mal à compter sur autrui, le médecin, l’ami, ou même le Seigneur.

Author: Gilles Boucomont

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