Noël, les courses (4/4) : allez, allez, allez…

Noël, course en Avent
Allez, allez, allez !

La Bible, Premier testament – Esaïe 55:3-7
« Tendez l’oreille et venez vers moi. Écoutez, et vous vivrez. » Le Seigneur dit :
« Je ferai avec vous une alliance qui durera toujours.
Je vous assure pour toujours les bienfaits que j’ai promis à David.
J’avais fait de lui un témoin de mon pouvoir pour les peuples,
un chef qui commande des populations.
Toi aussi, Israël, tu feras appel à des peuples inconnus,
et ces étrangers qui ne te connaissent pas se dépêcheront de venir vers toi.
Ils viendront à cause de moi, le Seigneur ton Dieu,
le Dieu saint d’Israël, qui veux t’honorer. »
Cherchez le Seigneur pendant qu’il se laisse trouver.
Faites appel à lui pendant qu’il est près de vous.
Les gens mauvais doivent abandonner leur conduite.
Celui qui fait le mal doit abandonner ses pensées méchantes.
Tous doivent revenir vers le Seigneur, car il aura pitié d’eux.
Tous doivent revenir vers notre Dieu, car il pardonne généreusement.

La Bible : Nouveau testament
Luc 2:40-52

L’enfant grandit et se développe. Il est rempli de sagesse, et le Dieu d’amour est avec lui.
Chaque année, les parents de Jésus vont à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
Quand Jésus a douze ans, il vient avec eux, comme c’est la coutume. Après la fête, ils repartent, mais l’enfant Jésus reste à Jérusalem, et ses parents ne s’en aperçoivent pas.
Ils pensent que l’enfant est avec les autres voyageurs. Ils marchent pendant une journée, puis ils se mettent à le chercher parmi leurs parents et leurs amis. Mais ils ne le trouvent pas. Alors ils retournent à Jérusalem en le cherchant. Le troisième jour, ils trouvent l’enfant dans le temple. Il est assis au milieu des maîtres juifs, il les écoute et leur pose des questions. Tous ceux qui entendent l’enfant sont surpris par ses réponses pleines de sagesse. Quand ses parents le voient, ils sont vraiment très étonnés, et sa mère lui dit :
« Mon enfant, pourquoi est-ce que tu nous as fait cela ? Regarde ! Ton père et moi, nous étions très inquiets en te cherchant. » Il leur répond : « Vous m’avez cherché, pourquoi ? Vous ne savez donc pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » Mais ses parents ne comprennent pas cette parole.
Ensuite, Jésus retourne avec eux à Nazareth. Il obéit à ses parents. Sa mère garde toutes ces choses dans son coeur.
Jésus grandit, sa sagesse se développe et il se rend agréable à Dieu et aux hommes.

Prédication :

[Ce culte a lieu le lendemain de Noël]

Nous avons parcouru l’Avent avec cette métaphore sportive employée par l’apôtre Paul lui-même (1Cor 9 :24) qui compare l’attente de la foi non pas à un processus passif où l’on reste assis comme quand on attend Godot, mais comme un processus actif, où l’on court vers ce que l’on attend.
Le premier dimanche de l’Avent, nous avions pris nos marques dans le starting bloc que sont les Ecritures pour le pied qui se trouve le plus en arrière, et dans le starting bloc de l’amour de Dieu pour le pied qui se trouve devant.
Le deuxième dimanche de l’Avent, nous nous sommes relevés, pour être « prêts », dans la tension et l’attention extrême, avec la vigilance qui précède le départ.
Le troisième dimanche de l’Avent, nous sommes partis, du bon pied, dans le bon sens, forts de l’expérience du prophète Jonas.
Et ce dimanche qui n’est pas de l’Avent mais de l’Après, si j’ose dire, nous allons porter notre attention à la course en elle-même.

Car, on ne le répètera jamais assez, ce n’est pas parce que le 25 décembre était hier que Noël est derrière nous. Ce sont les aléas des années liturgiques de nous faire vivre en un an et en concentré, comme les religions païennes, toutes les aventures du dieu.
Jésus est bien né il y a 2000 ans et son retour est devant nous ; ne soyons pas désorientés.
Nous avons eu besoin de quatre semaines pour mimer les neuf mois d’attente et de grossesse de la bienheureuse Marie.
Et voici que, selon nos traditions, nous sommes sensés attendre désormais le 6 janvier qui est la prochaine fête en perspective. Toujours appelée épiphanie, cette fête est dans certaines traditions chrétiennes celle des rois mages ; elle évoque pour certains aussi la circoncision du Christ, huit jours après sa naissance ; et dans d’autres traditions celle du baptême du Christ.
En somme, après Noël on ne sais plus trop ce qu’il faut attendre et vers où courir. C’est quelque peu la confusion : les mages ? la circoncision d’un nourrisson ? le baptême de Jésus adulte ?

Jésus naît dans l’étable ;
Christ naît des eaux du Jourdain

N’est-il pas étonnant que treize jours après la célébration de Noël on fête le baptême de Jésus ? C’est, me semble-t-il, une façon de dire que sa naissance véritable ne réside pas seulement dans l’expérience de l’étable, mais d’abord dans sa « naissance d’en haut », ainsi que sera nommé le baptême dans l’évangile de Jean.
Car si Jésus naît dans l’étable, le Christ, lui, naît dans les eaux du Jourdain.
Cet énoncé est très théologique et un peu complexe. Mais il revient tout de même à dire que Jésus a eu besoin de temps, de beaucoup de temps, puisque cela a duré trente ans, pour atteindre sa stature de Christ et de Messie, de Sauveur d’Israël, de Prince de la Paix, de Dieu fort, de Conseiller Admirable. Et tout ce temps, ces trente années nécessaires à la croissance messianique de Jésus, ces trente années sont compressées en treize jours de notre calendrier liturgique. C’est dire si nous avons du mal à prendre l’attente au sérieux. C’est dire si nos calendriers sont de vastes tromperies sur la marchandise.

Marie a dû attendre neuf mois pour que naisse Jésus.
Mais elle a dû attendre trente ans pour qu’advienne le Messie.

Trente ans à porter une promesse faite par un ange avant de la voir s’accomplir et prendre toute son ampleur. Trente ans à fonder toute son espérance personnelle et celle de son peuple sur ce qui pourrait n’avoir été qu’un rêve, qu’une autosuggestion assez conventionnelle chez les mères juives ou non-juives : croire que son fils était quelqu’un d’exceptionnel.
Marie a été physiquement enceinte neuf mois de son fils.
Elle a été spirituellement enceinte trente ans du Messie d’Israël.

C’est certainement pour cette raison que Luc a tenu à mentionner un épisode inattendu, une sorte de flash, une photo égarée dans un album de famille, une  histoire qui sort d’on ne sait où et qu’on raconte à la veillée dans les réunions familiales : Jésus au temple à l’âge de douze ans.
Pour ma part, je lis ce passage comme si Luc nous avais laissé quelques notes en bas de page : « La naissance de Jésus dure 92 versets, moins de deux chapitres, et moi, Luc, je ne peux pas me permettre de passer du nourrisson âgé de trente heures à l’adulte âgé de trente ans tout d’un coup. Alors je vous laisse un trait d’union de 12 versets sur Jésus à l’âge de 12 ans, et ce trait d’union est lui-même agrémenté d’une idée qui est répétée un peu lourdement, j’en conviens, d’un point de vue littéraire : Jésus croissait en stature, en sagesse et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. »

Douze versets bien marqués pour dire une longue maturation, une course de trente ans, pour dire que le mûrissement d’un Messie se fait petit à petit.
Et au cœur de ce passage, à nouveau ce refrain : une course vers Jérusalem, puis une course de retour vers Nazareth. Et aussi ce Jésus qu’on cherche, qui n’est jamais là où on croit qu’il est. Et donc une course à nouveau. Son père pense qu’il est avec sa mère. Sa mère pense qu’il est avec son père. Ça part dans tous les sens. On le croit avec les enfants alors qu’il est désormais, à l’occasion de sa bar-mitzva à Jérusalem, avec les adultes, à interpréter la loi. Et on court après lui.

Finalement, on court toujours après Dieu comme après un enfant perdu.
On court toujours comme si Dieu n’arrivait pas à s’en sortir sans nous. On court toujours en croyant que Dieu ne se débrouillera pas tout seul et que notre agitation est le complément nécessaire, suffisant et efficace de sa puissance ; cette puissance divine que nous passons nos journées à contester et à questionner. On court toujours après Dieu comme après un enfant perdu, avec angoisse. On a peur pour lui. Comment fera-t-il, ce vieux Dieu éternel, dans un monde sécularisé, avec toutes les menaces de la société contemporaine ? Comment va-t-il se débrouiller pour rejoindre les gens si nous ne l’aidons pas ?
Et c’est réjouissant de voir Jésus, là, dans le temple, aussi calme que ses parents sont agités, aussi paisible que Joseph est inquiet, se sentant aussi libre que Marie se sentait coupable.
Alors oui, on court toujours après Dieu, mais cette course n’a pas besoin d’être angoissée. Car, au début comme à la fin, il y a cette parole : ne vous inquiétez pas, tout cela grandit gentiment, tout est en place, les choses prennent tournure paisiblement et sûrement, comme un enfant qui grandit, en stature, en sagesse et en grâce.

Notre agitation n’est pas le centre de notre vie.
L’enjeu de notre course spirituelle consiste en revanche à lever une confusion : car au cœur de ce texte, il y a aussi toute l’ambiguïté de cette expression que Jésus retourne à Marie avec assurance : « Je dois être aux affaires de mon Père ». Notre vie spirituelle consiste à prendre trente ans pour comprendre, non seulement intellectuellement, mais surtout spirituellement en quoi consiste la différence entre les affaires de son père et les affaires de son Père. Nous avions insisté précédemment sur l’importance de courir dans le bon sens dans le stade olympique, mais là, l’enjeu s’affine : il faut choisir quelle course on court. Certes Jésus apprendra vraisemblablement le métier de charpentier, puisqu’il est reconnu comme tel plus tard dans l’évangile de Matthieu (ch. 13). Mais son ultime destinée n’est pas dans son métier, dans son aisance ou son activité de charpentier, qu’il tient de son père.
Les paternités terrestres ont aussi pour fonction de façonner notre regard et notre capacité à accueillir la paternité céleste. Et quand Joseph cherche son fils avec angoisse, il n’est que maladroitement dans la posture de Dieu lui-même, qui a cherché son fils, mais sans angoisse, et qui l’a donc trouvé en toute quiétude.

Tout grandit gentiment,
stature, sagesse et grâce

Au final, nos courses effrénées comme nos courses sereines nous font toutes arriver au même endroit, auprès de Dieu, comme Joseph et Marie se retrouvent au temple avec Jésus après tant d’inquiétudes. Et après avoir couru à droite et à gauche, après avoir cherché Dieu au Nord et au Sud, à l’Est et à l’Ouest, on s’aperçoit qu’il est tout simplement là où on était déjà. Il est là où il doit être, dans ce temple dont on découvrira plus tard qu’il est notre corps, notre vie.

Vous pouvez toujours courir, car la vie est toujours une course en Avent. Mais à chaque fois que vous aurez couru vers Dieu, vous vous apercevrez que c’est lui qui s’était approché de vous et que votre agitation ne vous rendait pas nécessairement plus proche de lui.
Si vous vous contentez de prendre le temps de courir sereinement, vous vous apercevrez que sur cette terre, personne ne court vers Dieu, mais qu’en revanche, Dieu a souvent été vu, notamment ces derniers temps, courant à vos côtés.
Amen

Author: Gilles Boucomont

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