Le règne, la puissance et la gloire
Prédication dans le cycle du Notre Père, donnée au Temple du Marais le dimanche 2 décembre 2007
Avant de faire les lectures, le pasteur donne une précision : la doxologie du Notre Père de Matthieu n’est pas présente dans tous les manuscrits.
Dans leur pratique de piété, les premiers chrétiens ont rapidement pris l’habitude d’utiliser chacune des six demandes pour chaque jour de la semaine, en réservant la doxologie pour les célébration dominicales.
Lectures bibliques :
1 Chroniques 29:10-20
Luc 22:24-32
Prédication
C’est au sommet de sa gloire, alors que son règne a atteint une puissance jamais égalée que David s’incline dans une prière d’humilité. C’est un moment fort de son existence, parce qu’il vient de rassembler tous les matériaux nécessaires pour construire le temple de Jérusalem. Et vu le projet, c’était déjà en soi quelque chose d’impressionnant que de trouver tout ce dont il avait besoin. Il se réjouit que l’impossible soit arrivé, que ce projet qu’il n’avait jusqu’alors qu’en image dans sa tête prenne corps. Et c’est le moment pour lui de se souvenir de l’essentiel : finalement, toute cette énergie mise dans ce projet, ce n’est rien.
Car tout appartient à Dieu. Et il ne faut pas que le projet prenne le dessus sur la vision première. Il ne faut pas que le temple, qui n’est qu’un moyen, prenne toute la place dans les esprits, car le temple est fait pour Dieu, et c’est Dieu qui doit avoir la première place, c’est Dieu qui doit occuper les esprits.
Il ne faut pas que les moyens passent au premier plan et que les objectifs soient relégués au second plan.
Alors cette prière, cette louange, c’est comme la dédicace spirituelle du temple de Jérusalem.
David rend grâce.
David rend gloire.
David rend la puissance et le règne à celui qui les détient au bout du compte.
Car le règne de David aura une fin tandis que le règne de Dieu n’a pas de fin. La puissance de David sera limitée, même si elle impressionnera ses contemporains, tandis que la puissance de Dieu n’a pour limite que sa volonté.
Et enfin la gloire de David, notamment au travers de ce temple qu’il fait édifier, sa gloire sera grande, mais limitée, puisque c’est Salomon qui en finira la construction, et que c’est Dieu qui reste glorieux, au plus haut des cieux.
Finalement, cette prière qui se concentre en des termes presque équivalents dans la finale du Notre Père, une prière d’achèvement. Elle vient comme l’action de grâce d’une personne âgée qui prend du recul sur sa vie. Tout ce qui a été traversé a été habité par la présence de Dieu. Ca en valait la peine, malgré les épreuves, et Dieu a été bon.
Mais plus encore qu’une prière de synthèse, c’est une prière de roi. Qu’est-ce que j’entends par là ? Ce sont les rois qui peuvent reconnaître que finalement le règne, la puissance et la gloire ne leur appartiennent pas, alors que depuis l’enfance pour la plupart on leur a fait croire que ce serait pour eux. Oui, la finale du Notre Père est une prière de roi, ou plutôt une prière de princes et de princesses, puisqu’elle s’adresse à ce Père que nous appelons aussi le Roi des rois.
Bizarrement, cette humilité qui consiste à rendre à Dieu le règne, la puissance et la gloire, nous installe dans la condition que Jésus avait rappelée aux disciples, c’est-à-dire dans une autorité spirituelle bien particulière. En tant que fils et filles du Roi des rois, nous sommes appelés à régner sur le monde. Pas comme les rois du monde règnent, mais comme le Roi des Juifs a régné, dans son vêtement d’humilité. Oui, bizarrement, au moment où nous disons que le règne, la puissance et la gloire ne nous appartiennent pas, Dieu nous les donne, il nous y associe. Car Dieu nous donne ce dont nous nous dessaisissons. Il dit bien qu’à ceux qui sont prêts à perdre leur vie pour marcher à la suite du Christ, à ceux qui sont prêts à se dessaisir de leur vie, il donne la vie, et en plus en abondance, une vie éternelle. A celui qui rend à Dieu une chose qu’il a pensé posséder jusqu’alors, Dieu promet des bénédictions plus grandes encore. Il n’y a pas là une espèce de théologie de prospérité, où il suffirait de faire un chèque de 100 euros à l’Église pour espérer en recevoir 10.000 de la part du Seigneur, mais simplement une loi spirituelle fondamentale du Royaume de Dieu : ce que l’on garde, on le perd, et ce que l’on partage, on le reçoit et ça se multiplie.
Jésus dit aux disciples qu’ils vont régner et même juger les tribus d’Israël, et tout de suite après, il dit à Pierre d’aller se convertir, car ce n’est qu’une fois qu’il sera converti il pourra s’occuper de ses frères. Toute cette discussion avait commencé sur la question de savoir qui était le plus grand des disciples. Alors Jésus leur explique par ces tournures que s’ils lâchent cette question, ils règneront. S’ils se dépréoccupent de savoir qui aura le pouvoir, Dieu leur donnera une autorité particulière.
Si Pierre lâche ses certitudes, il sera affermi. S’il lâche ses promesses à bon marché, il pourra tenir parole. S’il lâche la volonté de puissance, il deviendra un puissant serviteur, comme son maître, Jésus.
Oui, la prière du Notre Père, dans sa finale, est une prière de rois, de princes et de princesses, que nous sommes en Christ Jésus.
Pour le roi David, réaliser une maison pour Dieu (c’était le nom qu’avait le temple), réaliser cette maison pour Dieu était inimaginable. Alors, parce qu’il lâche la prétention à faire du beau, ce lieu sera une merveille du monde. Parce qu’il lâche la prétention à avoir fait la meilleure œuvre, il sera béni pour mille générations du fait de ce qu’il aura accompli. Et bien entendu, il ne lâche pas tout cela dans le but d’obtenir des bénédictions, mais il le lâche avec la certitude que vraiment, profondément, tout cela n’est pas de lui, qu’il n’est rien, et qu’il n’a pas fait grand chose par rapport à celui qui lui a donné la vie.
Ce que je possède, je l’abandonne.
Ce que j’abandonne, je le reçois.
Ce que je reçois, je ne prétends plus le posséder, mais j’en vis et je le partage.
Ce que je croyais posséder, je le donne, et ça se multiplie.
J’ai la foi. Je ne la possède pas. Je l’ai parce que je l’ai reçue.
Alors je la donne, je l’offre à d’autres et elle se multiplie.
Il n’y a rien de ce que j’ai qui ne m’ait été donné.
Il n’y a rien de ce que je suis que je n’aie reçu de Dieu.
Donc, logiquement, je m’offre au Seigneur dans l’adoration et je me donne aux autres dans le service.
C’est tellement simple qu’on se demande toujours comment on pourrait le rendre plus compliqué…
S’offrir au Seigneur ne passe pas par autre chose que par la confession joyeuse de son règne, de sa puissance et de sa gloire. C’est la façon dont nous dédicaçons l’espace de nos existences, à l’image de l’espace du temple de David. Et cela consiste à remettre les choses à leur place.
Le fait de se donner à Dieu dans la foi peut sembler être un effort, un effet de notre volonté au premier abord. Mais que donnons-nous à Dieu ?
Rien qui soit vraiment à nous puisque c’est lui qui nous a tout donné.
Ne désirons pas cupidement ce qui n’appartient qu’à Dieu, à savoir le règne, la puissance et la gloire. Mais découvrons la joie de savoir que tout nous est donné, car alors tout ce que nous croyions posséder jusqu’alors nous apparaît comme un cadeau et la vie prend véritablement un nouveau visage. Tout ce qui nous semblait dû, nous le découvrons comme un don et c’est alors que se dévoile la trace de Dieu au cœur de nos existences.
Que les temples que sont nos corps accueillent donc le don de l’Esprit Saint.
Que les temples de nos corps entrent dans leur fonction véritable, dans ce à quoi nous avons été appelés, dans notre divine vocation, et que résonne cette dédicace, cette proclamation : dans ce lieu, dans le lieu de ma vie, Seigneur, « C’est à Toi qu’appartiennent, le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles ».
Amen