Les sandales (5/6) du zèle pour annoncer un Evangile de Paix
Le combat spirituel
Parce que de nombreux chrétiens se retrouvent aujourd’hui dans des combats dont il ne comprennent pas toujours les enjeux, il nous a semblé urgent de revisiter le sixième chapitre de l’épître de Paul aux Ephésiens.
Que Dieu permette au lecteur de saisir la nature de certaines batailles de la vie, afin d’être témoins des délivrances auxquelles le Seigneur nous appelle, et de quitter un christianisme de confort pour entrer dans la paix d’un christianisme de combat.
Textes bibliques à lire
Ephésiens 6:10-18
Romains 12:9-21
Quand vous achetez une voiture neuve, une fois que vous êtes décidé sur le modèle, une des choses que vous vous demandez c’est de savoir quelle est la version que le garagiste veut vous vendre. Et en particulier vous regardez quelles sont les options qu’il va vous vendre. Il paraît même que l’on peut négocier de pied ferme le rajout d’options sur un véhicule aujourd’hui, sans que cela n’affecte vraiment le prix. A l’heure actuelle, puisque toutes les voitures sont des bijoux technologiques, c’est souvent sur les options que l’on va faire la différence.
Imaginez que vous arriviez à un garage et que le concessionnaire vous demande, après s’être mis bien d’accord sur ce que vous voulez, si vous désirez avoir l’option « volant » dans ce superbe véhicule, qui, de toute façon, vous donnera une grande satisfaction.
– L’option volant ? Mais qu’est-ce que vous entendez par l’option volant ?
– Oh, eh bien tout simplement il y a beaucoup de gens qui achètent ce modèle uniquement pour la renommée que leur donne ce véhicule quand il est garé devant leur maison. La voiture est un produit identitaire, Monsieur, c’est surtout de l’image, de la réputation, du marketing relationnel. Le fait de la conduire est devenu quelque chose d’optionnel, et c’est pour ça que Volks-troën propose maintenant le volant en « option ». C’est une certaine conception du développement durable, car ça ne se fait plus d’avoir des options qui ne sont pas vraiment utiles, il faut penser à la nature et au monde que nous laissons à nos enfants, Monsieur. Choisir de ne pas prendre l’option volant, dans ce véhicule, c’est un geste citoyen, une posture responsable pour l’avenir.
Quand le monde commence à perdre tout bon sens, il est vraisemblable qu’un jour ou l’autre on arrive à ce type de dialogue délirant, où vienne nous envahir le sentiment de vraiment marcher sur la tête.
Mais alors, si vous êtes choqué qu’on puisse considérer le volant comme une option dans une voiture, pourquoi est-ce que les chrétiens de ce siècle font si peu de cas de l’Evangile de paix ? Il n’est pas optionnel, il n’est pas un luxe, il n’est pas un idéal inatteignable. La bonne nouvelle de la paix devrait être le volant d’un christianisme aujourd’hui en errance !
La paix est ce qui conduit le véhicule chrétien. Il est intéressant qu’au milieu d’une description fort guerrière de la foi, Paul prenne le soin de parler des sandales du zèle pour l’annonce d’un Evangile de paix. L’apôtre connaît le danger qu’il y a à utiliser des métaphores guerrières quand on parle de la foi. Les religions ne sont-elles pas un des principaux vecteurs de guerres dans ce monde ? Paul le sait très bien. Mais parce que son ministère dépend avant toute chose de Jésus-Christ, parce qu’il dépend de celui qu’on appelle le Prince de la Paix, Paul veut à tout prix rappeler aux chrétiens de Rome et d’Ephèse notamment que le but du combat de la foi est d’être témoins de la paix. C’est un paradoxe, comme souvent quand on s’approche de Jésus-Christ.
Voyez l’homme Jésus.
Il est un modèle de douceur qui a inspiré les artistes bien au-delà de la sphère chrétienne. Il est un modèle de douceur respecté par des gens bien au-delà du petit cercle de ses fidèles. L’homme Jésus est quelqu’un qui a marqué l’histoire par la paix qu’il portait en lui et qu’il diffusait autour de lui. Ce n’est pas seulement un message de paix dont il était porteur, mais tout à la fois un message et une pratique de la paix. Il y a des tas de gens qui peuvent vous écrire des centaines de pages sur la paix mais qui ne la vivent pas. Jésus était porteur de paix jusque dans ses moindres gestes. Il a poussé la non-violence jusqu’à se laisser crucifier, jusqu’à laisser l’injustice des hommes atteindre son comble, afin qu’elle soit visible, manifeste, montrée à tous les peuples. L’injustice de l’humanité est criante quand le Christ est silencieux sur la croix. Y a-t-il une expérience de non-violence plus extrême que celle qui consiste à se laisser livrer. Certains craignent la perversité quelque peu masochiste d’une souffrance dans laquelle on entre et dans laquelle on peut se complaire. Mais si Jésus a laissé faire, c’est parce qu’il le faisait en conscience, persuadé que c’était la volonté de Dieu. Il a même vérifié cela dans sa prière. Si c’est bien ta volonté, qu’il en soit ainsi. Il fallait en être sûr pour pouvoir vivre tous ces instants jusqu’au bout.
Face à la violence radicale de l’injustice à son paroxysme, Jésus oppose la puissance de la non-violence. C’est incroyable.
Mais il ne faudrait pas s’y tromper, la paix qui rayonne de cet homme n’est pas un pacifisme béat, elle n’est pas un angélisme, un dolorisme où on se laisse avoir en étant persuadé qu’on est supérieur aux autres parce qu’on prend plus sur soi.
La seule chose qui soit aussi puissante que la non-violence de Jésus, c’est sa violence radicale contre tout ce qui abîme l’humain. Jésus, prince de paix est l’homme le plus violent qui ait jamais existé contre les démons, contre Satan qui essaye de parler par la bouche de Pierre dans certains épisodes, contre les maladies qui amoindrissent le témoignage du peuple, contre les servitudes et les jougs qui font plier l’échine à des gens qui devraient marcher en étant vraiment debout. Jésus est d’une violence terrible, une violence comparable à celle du Créateur au moment où il crée le monde, où il donne naissance à l’univers.
Quelle puissance ! Voilà un homme en guerre permanente contre la déshumanisation de l’homme. C’est fascinant pour nous car nous n’avons pas la capacité qu’il avait à tenir en même temps deux sentiments aussi extrêmes que la non-violence totale à l’égard des personnes et la violence radicale contre les ténèbres. Nous arrivons tout à fait à éprouver ces sentiments l’un après l’autre, dans des temps bien séparés et qui se succèdent. Mais les vivre en même temps nous est tout à fait impossible. En tout cas impossible à nos volontés et nos cœurs d’humains. Soit nous sommes complètement au calme et à la paix, soit nous sommes complètement à la colère et au combat, mais nous n’arrivons pas par nous-mêmes à vivre les deux de façon simultanée. Jésus, lui le pouvait. Non pas par lui-même en tant qu’homme, mais parce qu’il avait accepté sa destinée qui consiste à laisser l’Esprit de Dieu agir en lui.
Par la puissance de Dieu en nous, nous pouvons être saisis de cette double présence au monde, toute en douceur et toute en lutte. Mais cela ne peut être que l’œuvre du Seigneur dans nos vies étroites. Nos cœurs doivent être dilatés par la présence de Dieu en nous pour pouvoir vivre ces choses.
Au milieu d’un discours guerrier sur les armes de la foi, Paul rappelle que nous ne nous battons pas contre les humains mais contre les puissances. Et il rappelle que ce qui nous fait marcher, ce sont les sandales du zèle à annoncer une bonne nouvelle de paix. C’est ce qui nous fait avancer dans l’existence. C’est aussi peu optionnel dans une vie chrétienne que le volant dans une voiture, sauf à ne pas utiliser sa voiture et à ne s’en servir que pour l’image.
Notre foi est bien un outil pour une présence au monde. Une voiture qui ne roule pas ne sert à rien. Ou en tout cas son usage est détourné par rapport à sa destinée.
Un chrétien qui ne s’engage pas pour la paix puissante telle que Jésus la vit, est un chrétien qui est détourné par rapport à sa destinée.
Oui, c’est vrai, il y a une guerre, une guerre sainte contre l’axe du mal. Mais ça n’a rien à voir avec le pétrole, ça n’a rien à voir avec les peuples arabes et persans. Cela concerne avant tout la lutte contre l’esprit de Mammon, celui qui est le vrai Dieu, à la fois du capitalisme occidental et du tribalisme saoudien. Elle est là, la guerre sainte contre l’axe du mal. Contre la puissance spirituelle et pas contre les médiocres pantins instrumentalisés par cette puissance, qu’ils s’appelle Ben Laden, Bush, ou vous et moi, enchaînés avec ces deux messieurs à la machine à consommer.
Oui, c’est vrai qu’il y a les germes d’une guerre civile dans nos rues. C’est une guerre sainte contre un axe du mal. Mais ça n’est pas la faute des jeunes, ça n’est pas la faute à l’immigration. C’est une guerre sainte contre Mammon, le Dieu argent, qui fait que ces jeunes brûlent ce qu’ils désirent le plus, des voitures. Ils brûlent ce qu’ils adorent, ce qu’ils vénèrent, en offrande à Mammon, pour que l’immonde se délecte de ces sacrifices de mauvaise odeur : des pauvres qui brûlent des voitures de pauvres avec le désir dévorant d’être des riches, de bons colonels du consumérisme de Mammon. Voilà la guerre sainte contre le véritable axe du mal. Voilà une juste violence contre ce qui nous fait violence en nous faisant perdre nos identités.
Au nom de l’évangile de paix (et je rappelle que le mot paix en hébreu, shalom, veut aussi dire prospérité matérielle), au nom de l’évangile de la vraie prospérité paisible, soyez zélés et marchez, marchez avec courage dans le juste combat qui n’est pas contre les personnes mais contre l’ennemi de nos âmes. Ne vous trompez pas de bataille. Si vous vous laissez gagner par des sentiments racistes contres ces beurs qui brûlent nos banlieues, vous donnez des points au prince de la ténèbre, car le prince de la paix vous appelle à intercéder, à bénir les enfants de ceux qui ont construit à la sueur de leur front la richesse de notre nation. Bénissez et ne maudissez pas. Si vous vous laissez gagner par le sentiment anti-jeune ou par les logiques sécuritaires, attention, vous faites le jeu du Dieu Eurodollar qui a planifié une société où nous serons tous enfermés chez nous, nous les consommateurs, avec simplement des connections sans fil et des tubes pour faire circuler l’information, les victuailles, tout ce qui doit nous faire vivre. Ne rentrez pas dans les logiques de ruptures, ne rentrez pas dans les logiques de séparation et de cloisonnement, car vous donneriez des points au prince des ténèbres, quand le Prince de Paix vous appelle à marcher vers les autres, à mettre les bonnes sandales pour rejoindre le prochain, rejoindre le frère, rejoindre le voisin, rejoindre l’ennemi pour le bénir du sein même de son camp.
Oui, nous sommes dans une guerre sainte contre l’axe du mal. Et la plus grande urgence est donc de recevoir de l’Esprit de Dieu la douceur bienfaisante qui était sur Jésus-Christ, car c’est l’arme la plus puissance qui existe.
Paix sur vous, au nom de Jésus-Christ.
Paix sur vous, sur vos peurs et sur vos colères.
Paix sur vous, sur votre compréhension de la réalité et vos sentiments.
Paix sur vous, au nom puissant de Jésus-Christ.
Amen