Je commencerai par la question sur l’adoration du Saint-Esprit : le Saint-Esprit est une des trois « personnes » du Dieu unique trinitaire (Matthieu 28,19). Le chrétien, qui adore le Dieu trinitaire, adore donc le Saint-Esprit comme les autres « personnes » de la trinité : faisant partie de Dieu, qui est un être et non une simple force ou énergie, il est dit du Saint-Esprit qu’il déploie une volonté (Ac16,6) et des sentiments (Ephésiens 4,30), qu’Il parle (1Timothée 4,1) aime (Romains 15,30), enseigne (Jean 14,26), intercède (Romains 8,26), et qu’Il partage les attributs de Dieu : omniscience (1Corinthiens 2,10), éternité (Hébreux 9,14) omniprésence (Psaume 139,7).
Mais le mot français « personne » est trompeur : il peut laisser penser qu’il y aurait trois êtres divins. Dans le christianisme oriental, on parle plutôt des trois « hypostases » (substances) de la trinité. C’est Tertullien qui le premier, en latin, aurait utilisé le terme « persona » (traduit « personne » en français). Tertullien, Père de l’Eglise ancienne, luttait contre une tendance qui consistait à confondre totalement le Père et le Fils, jusqu’à dire que le Père aurait souffert sur la croix. Pour lutter contre cette dérive théologique (appelée « modalisme »), il aurait utilisé le terme « persona » pour les éléments de la trinité, qui n’a pas le même sens qu’en français aujourd’hui mais qui permettait de tenir la distinction entre les trois aspects de Dieu.
Or, s’il y a un seul Dieu, il n’y a pas lieu de prier les différentes substances/personnes de Dieu. Jésus dit que le Père donne l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent (Luc 11,1).
Le fait de parler au Saint-Esprit est une pratique relativement nouvelle, et ne me semble pas biblique puisqu’on ne la trouve nulle part… Une exception peut-être, en Ezéchiel 37:
Suite à une vision de Dieu et à un appel à un moment précis, le prophète Ézéchiel appele « l’Esprit » et lui donne un ordre. Mais, dans ce geste prophétique annonciateur effectivement de la venue de l’Esprit de Dieu (le Saint-Esprit) sur son peuple, Ezéchiel donne-t-il un ordre au Saint-Esprit ou à l’esprit qui rend l’Homme vivant ? De toute façon, il est difficile de généraliser une pratique à partir de ce texte très particulier.
Traditionnellement, quand on prie Dieu, on prie en même temps ses trois « personnes », et on s’adresse au Père comme l’a fait Jésus (Matthieu 6,9), au nom de Jésus (qui est le chemin vers le Père, Jean 14,6), par le moyen du Saint-Esprit (qui est « Dieu en nous » Romains 8,26). Cela me semble conforme à l’enseignement biblique.
Je me demande si cette tendance à la prière au Saint-Esprit, à cette place parfois excessive donnée au Saint-Esprit et à Son rôle, n’est pas parfois liée à cette tentation humaine d’instrumentaliser Dieu : le Saint-Esprit, à qui on s’adresse, avec qui on échange directement comme s’il était séparé du Père, serait alors une sorte d’outil au service de nos rêves de contrôle et d’autonomie.