Est-ce aux pierres de crier ?
Lectures bibliques
Habakuk 2:1-14
Luc 19:37-40 : S’ils se taisent, les pierres crieront
1. Jérusalem, an 30 : S’ils se taisent les pierres crieront
11. La demande des pharisiens ne peut pas suffire à convaincre
Jésus a un drôle de rapport aux pierres.
On dit qu’il n’en a même pas une où reposer sa tête. On dit aussi qu’il est la pierre angulaire dont parle le psaume 118, celle qui a été rejetée par la folie des bâtisseurs, et qui est aujourd’hui devenue la pierre angulaire. Le diable le tente en lui proposant de changer des pierres en pains. Jésus dit aussi, dans l’évangile de Luc, que Dieu peut susciter des enfants d’Abraham avec des pierres. Lui, le Christ, passe très près de la lapidation à plusieurs reprises de son existence. « Que celui qui n’a jamais péché jette la pierre en premier ». Il prophétise qu’il ne restera pas pierre sur pierre à Jérusalem. Et enfin il y a encore ce cher Simon que Jésus renomme Pierre, car c’est sur cette pierre que Jésus veut bâtir son Eglise.
Jésus a un drôle de rapport aux pierres.
Alors quand il entre à Jérusalem, la Ville par excellence, le lieu où les pierres ont été agencées de la plus belle façon qui existe en une splendeur de l’architecture moyen-orientale, quand Jésus rentre à Jérusalem en traversant une foule bruyante qui chante et crie la gloire de Dieu, il répond aux pharisiens « S’ils se taisent les pierres crieront ».
La situation est assez cocasse, car les pharisiens sont les gens les plus religieux qui soient. Nous en avons une vision négative, mais il faut bien dire qu’ils étaient souvent des modèles de piété et de fidélité. C’était un groupe religieux comme les autres, assez fort à l’époque de Jésus. Mais beaucoup ont refusé de voir en Jésus celui que la foi d’Israël attendait. C’est pour cela qu’ils sont gênés par ces louanges bruyantes dont ils n’ont pas compris que c’est à juste titre qu’elles jaillissent au bénéfice de Jésus. C’est dans ce sens qu’ils demandent à Jésus de reprendre ses disciples et ses partisans pour qu’ils arrêtent de formuler à l’égard d’un homme des louanges qui ne doivent revenir qu’à Dieu !
Mais la réponse de Jésus nous fait bien comprendre qu’il y a dans cet instant et dans ce qui se joue aux portes de Jérusalem quelque chose que rien ne peut arrêter, une nécessité de l’histoire, un rendez-vous fondamental de l’humanité. « S’ils se taisent les pierres crieront ». Ce n’est pas la demande des pharisiens, ce n’est pas la piété rigoureuse de qui que ce soit qui va empêcher Jérusalem d’accueillir le Messie.
12. La violence des pharisiens n’arrêtera même pas la gloire de Dieu
Pire encore, car vous connaissez la suite, ce n’est pas non plus la violence des pharisiens qui pourra arrêter le plan de Dieu, son projet d’une louange qui jaillira du cœur de la ville sainte. Même crucifié, Jésus continuera a convaincre et à porter les gens à la reconnaissance, tel le centurion qui reconnaît en lui de Fils de Dieu. Même Jésus mort, la louange du peuple continuera à monter vers Dieu. Et quand il viendra à ressusciter c’est la terre entière qui proclamera la gloire de Dieu, jusqu’à ses extrémités, et toujours ; notre présence ici illustre bien ce propos. A des milliers de kilomètres et à des milliers d’année, la louange du peuple continue à monter vers Dieu.
« S’ils se taisent les pierres crieront ». Rien ne peut fondamentalement arrêter le plan de Dieu. Et pourtant dans cette promesse, dans cette parole, on sent déjà les difficultés. En disant cela, Jésus ne proclame pas une parole toute-puissante et auto-suffisante, il laisse surgir le doute possible. « S’ils se taisent » car ça peut bien arriver qu’ils se taisent. Cela arrivera même quelques jours plus tard.
2. Jérusalem éternelle : S’ils se taisent les pierres crieront
21. Les pierres et la charpente de Jérusalem passent leur temps à crier
Habakuk avait déjà fait cette prophétie des pierre et du bois de la charpente qui crient. C’est un crie de douleur et non pas un crie de louange dont il parlait. C’est le cri de douleur d’une ville construite par le sang qui coule.
La destinée de Jérusalem est prise dans cette ambivalence de l’infidélité et de la louange. C’est le lieu extrême par excellence. Le lieu où Dieu est le plus loué, mais aussi le lieu où Dieu est le plus offensé. Ceux qui connaissent Jérusalem savent que c’est une ville où les gens sont blessés, car leur vie n’est pas facile, mais que c’est aussi une ville où les pierre sont blessées. Tant de revirements de l’idolâtrie au culte véritable. Tant de remaniements de terrains. Il n’y a pas d’édifice qui soit encore comme il l’a été à sa fondation. Les pierres de Jérusalem portent en elles la meurtrissure d’une histoire chaotique. Le peuple de Jérusalem est balloté par les aléas de l’histoire. Les pierres de Jérusalem crient elles aussi tantôt leur souffrance et leur blessure, tantôt la louange d’un lieu où tout est tourné, bon an mal an, vers Dieu.
22. Destruction du Temple, Intifada, La « Ville de la Paix » est la ville du Sang (de Jésus, des martyrs de tous bords)
« S’ils se taisent les pierres crieront ».
Peut-être cela veut-il dire que la création inanimée est capable de louer Dieu même si les humains, dont c’est la vocation, se dérobent à cette tâche ? Faut-il donc que ce soient les collines et les chemins rocailleux qui parlent pour dire la gloire de Dieu ?
« S’ils se taisent les pierres crieront ».
Peut-être y a-t-il là aussi une annonce de la chute du Temple en 70. Si le peuple de Jérusalem est incapable de fidélité et de louange, le Temple sera détruit par les Romains, qui feront crisser les pierres en les abattant.
« S’ils se taisent les pierres crieront ».
Peut-être s’agit-il une fois de plus d’un jeu de sens autour de la pierre angulaire qui est Jésus. Si le peuple de Jérusalem arrête de louer Dieu, Jésus la pierre angulaire de la foi d’Israël, criera : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
« S’ils se taisent les pierres crieront ».
Difficile de comprendre le sens de cette parole. Je serais même prêt à dire que la Jérusalem contemporaine vit l’accomplissement de cette parole. Incapable d’être fidèle à sa vocation, elle qui s’appelle la ville de la Paix, elle est devenue la ville de la Guerre. Et ce sont les pierres qui parlent. L’Intifada n’est-elle pas la guerre des pierres, des pierres qui parlent, des pierres qui crient.
3. Toujours et partout, Paris 2007 – S’ils se taisent les pierres crieront
31. Est-ce que nous supportons les conséquences de la gloire de Dieu non prononcée sur le monde ? sur notre ville ? A Paris les pierres racontent la gloire de Dieu.
Hier et aujourd’hui, là-bas et ici, « S’ils se taisent les pierres crieront ». Voyez le sens profond, le sens spirituel de cette parole : quand ceux que le Seigneur a doté d’une voix, d’une intelligence et d’une parole se dérobent à leur vocation, c’est le monde inanimé qui prend le relais. Si nous sommes incapables de louer Dieu, c’est la création sans vie qui le louera à notre place. Et aujourd’hui même, à Paris, le visiteur étranger a cette impression bizarre que la parole de Jésus s’est accomplie ici aussi. Si vous vous promenez en ville, si vous restez, en tant qu’étranger une semaine à Paris, ce sont les pierres qui vont vous parler de Dieu et de Jésus, mais personne ne va vous adresser la parole, nulle part vous n’entendrez la louange, à moins que vous ayiez la chance d’aller dans un de ces lieux clos et confinés un dimanche matin vers 11 heures. Voyez, il faut vraiment chercher, il faut vraiment le vouloir. Oui, ici aussi, ce sont les pierres qui crient la gloire de Dieu. Les pierres de la cathédrale et des églises disent la gloire de Dieu. Ce sont les pierres qui crient la gloire de Dieu. La voute de ce temple proclame depuis bientôt quatre cents ans « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ». Est-ce qu’il y a depuis 400 ans dans la rue, ici une présence chrétienne qui dise cette gloire de Dieu et la présence bénissante de Dieu en Jésus-Christ ? Et nous pourrions multiplier les exemples. Les pierres crient aujourd’hui la louange au Dieu Sauveur, et elles le font à notre place, à votre place. La pierre vivante de l’édifice du Temple véritable, c’est vous. Ce verset placé sous nos yeux nous le rappelle à chaque fois que nous vivons ici.
32. Bonne nouvelle pour nous aussi de l’impossible entrave sur le projet de Dieu. Les pierres vivantes de l’Eglise se mettent à parler.
Voyez bien l’enjeu, si ce n’est pas nous qui louons, si ce n’est pas nous qui témoignons, qui le fera ? Les pierres suffisent-elles ? Les clochers de Paris parlent d’un passé lointain, ils ne parlent pas de l’actualité de Dieu, de sa présence, de la vivacité de sa bonne nouvelle qui libère aujourd’hui bien des hommes et des femmes. Les clochers sont bons pour les cloches et pour les pigeons. Mais le cri du peuple de Paris, c’est un cri d’attente et de désespoir : « Y a-t-il quelqu’un qui pourra maintenant nous annoncer une bonne nouvelle, quelque chose qui nous rende libre, qui nous fasse grandir, qui élargisse notre horizon ? » Ce cri monte, plus ou moins formulé, plus ou moins compréhensible. Des dizaines de femmes poussent ce cri le soir à 11 heures du côté de la Nation ou du bois de Boulogne. Des centaines de jeunes hurlent cet appel en prenant de la drogue ou en se réfugiant dans des conduites à risque, suicidaires. Tous ces étrangers qui ont fui la guerre dans leur pays, ils sont là aussi, dans nos rues, à crier au secours : « N’y a-t-il pas encore dans cette ville un seul juste qui veuille bien me bénir ? »
Ce renversement est insupportable. Un peuple entier qui hurle non pas la louange à Dieu, mais sa désespérance de ne pouvoir rencontrer qui que ce soit qui le bénisse au nom de Jésus.
Autour de vous, il y a des tas de personnes qui ne peuvent être bénis par le Seigneur que par le biais de votre témoignage. Il ne s’agit pas pour autant d’entrer dans une proclamation hystérique et criarde de notre foi. Il s’agit de réaliser que le Seigneur ne peut passer que par nous pour toucher un certain nombre de personnes. Je suis sûr qu’il y a des gens dans votre entourage familial ou professionnel qui ne peuvent avoir accès à la grâce et au salut que par la parole libre et délicate dont vous pouvez leur témoigner. Si nous nous dérobons à cette tâche, faudra-t-il encore que ce soient les pierres qui témoignent ? C’est pourtant notre vocation de témoigner, pas celle du granit ni des briques.
« S’ils se taisent les pierres crieront ». Mais que crieront-elles ? Le cri de la louange ? ou comme Jérusalem, le cri de la blessure ? Il est encore temps, il est toujours temps de proclamer la gloire de Dieu sur nos familles, sur nos lieux de travail, sur notre ville, sur tous ces gens qui sont autour de nous en attente d’un signe du Très-Haut.
Que l’Esprit-Saint nous donnent à chacun la joie de louer le Seigneur et la capacité de témoigner humblement mais avec audace de l’évangile libérateur. Amen !