Après la loi sur la fin de vie
Face à l’afflux d’affirmations péremptoires et maximalistes des pros et des antis, comment pratiquement donner suite pour soi-même et ses proches à la récente Loi sur la Fin de Vie (LFV) récemment adoptée à la très grande majorité par le Parlement ?
Le moindre mal, logique du contrat social
Le débat passionné et passionnel ne doit pas nous priver de notre capacité de jugement.
Aux pro-euthanasie, la loi LFV rappelle que la France a adopté une attitude courageuse qui consiste à ne pas voter ni le suicide assisté, ni l’assistance au suicide, ni l’euthanasie active. C’est une démarche extrêmement limitative et surprenante par rapport à l’offre d’autres pays occidentaux dont nos deux nations-sœurs, la Belgique et la Suisse, ou encore par rapport à ce que laissait présager le programme présidentiel.
Aux anti-sédation, nous pouvons rétorquer qu’effectivement, il faudra exercer une vigilance sur les modalités de la sédation finale, pour qu’elle ne vire pas en une euthanasie déguisée. Mais pour autant, la sédation finale crée une limite à des gestes qui s’opéraient déjà depuis longtemps dans la pratique hospitalière.
Un contrat social, une éthique collective se construisent donc toujours dans la logique du moindre mal. C’est une morale simpliste qui fait du choix éthique une alternative entre un bien manifeste et un mal objectif. Le réel nous pose toujours le défi de trier entre deux maux. Et à ce titre la loi LFV est bien un moindre mal.
Mais… car il y a un mais : en tant que chrétiens nécessairement préoccupés par la souveraineté de Dieu sur notre vie, nous avons à exercer, suite à cette loi, une pédagogie qui tient, de façon résumée, en deux points.
Rédigez vos directives anticipées !
La généralisation des directives anticipées peut être une bonne nouvelle même pour ceux qui défendent une posture anti-euthanasie ! Elles fixent pour trois ans (et trois ans seulement !) vos choix en matière de prise en charge par l’institution médicale et hospitalière de votre possible situation de fin de vie. Téléchargez le modèle de directives présent sur le site de la Sécurité sociale. Si vous ne pouvez pas écrire vous-même, vous pouvez faire appel à deux témoins qui doivent attester par écrit, en précisant leur nom et qualité, que ce document, écrit par l’un des deux ou par un tiers, correspond bien à votre libre volonté.
Le document doit être rempli avec précision, et pour éviter une euthanasie de fait, il faut bien indiquer que l’on souhaite maintenir une hydratation et une alimentation artificielles !
Tant que la démarche de centralisation du fichier des directives anticipées n’est pas opératoire, il est conseillé d’en remettre un exemplaire à votre médecin traitant, d’en conserver un exemplaire sur vous, et d’en confier un autre à un de vos proches. Le projet de loi supprime la clause limitative à trois ans, mais tant que les décrets d’application ne sont pas actez, pensez donc à réécrire vos directives anticipées dans trois ans, notamment en stipulant la date dans votre agenda électronique. Vous pouvez juste indiquer sur le document initial que vous confirmez le choix initial en datant et signant à nouveau. Vous pouvez aussi les annuler ou les modifier à tout moment et, dans ce cas, le délai de trois ans recommence à courir.
Veillez sur les mourants et informez les vivants
Veiller sur les mourants signifiera pour les chrétiens du corps médical comme pour les familles, de s’assurer que la sédation, fût-elle finale et extrême, ne crée pas une situation d’euthanasie de facto, notamment en interrompant l’alimentation et l’hydratation. Considérer ces deux actes médicaux comme thérapeutiques est fallacieux, car ce sont des conditions nécessaires au maintien en vie.
Informez-vous sur les substances qui sont données au patient en fin de vie. Faites valoir d’éventuelles directives anticipées qui poseraient une restriction à certaines formes de sédation finale. C’est l’absence de familles ou de veilleurs auprès des malades qui pourra pousser certains praticiens velléitaires à pratiquer des gestes qui vont au-delà de ce que la loi prévoit. Manifester une présence crée de fait une limite symbolique à cette toute-puissance médicale qui peut vouloir s’arroger un droit de vie ou de mort sur des patients que la médecine n’est censée que soigner.
Informez vos proches au sujet des directives anticipées, dans l’Eglise, autour de vous, dans vos familles, en les sensibilisant au fait qu’elles sont souvent remplies à l’heure où l’on est bien-portant, et que, de fait, notre opinion pourra être différentes plus tard, notamment du fait de la souffrance. Mais aidez-les à concevoir en quoi une loi LFV, relativement consensuelle, crée comme toute loi des angles morts qu’elle ne peut administrer.
Pour conclure
Le point fort de cette loi, c’est la généralisation des soins palliatifs. Une agences regroupant plusieurs acteurs du soin palliatif va être créée qui aura pour mission de rendre la lutte contre la douleur, et l’accompagnement de la souffrance en fin de vie, une priorité pour le monde soignant, avec l’objectif d’inverser les proportions française : 75% de décès à l’hôpital et 25% à la maison (alors que c’est l’inverse dans les autres pays occidentaux). Pour plus d’humanité pour chacun.
En somme, pour accompagner une loi du moindre mal, c’est à nous que revient d’éveiller les consciences sur le sens profond de certains gestes médicaux, et leur portée factuelle.
Bonne pédagogie à vous !