Ancien ou Premier Testament ? – M.R.


Suite à une question abordée par Michel Remaud

Réfléchissons ensemble à ce que disent les différentes combinaisons de termes qu’emploient les théologiens pour évoquer les deux grandes parties de la Bible appelées traditionnellement Ancien et Nouveau Testaments.

« Ancien et Nouveau Testaments »
La traduction TOB évoque le terme d’Ancien Testament pour évoquer 2 Corinthiens 3:14, ce qui est une formulation assurément pédagogique de la part des traducteurs, mais un abus et un anachronisme du point de vue historique. Déjà parce qu’au temps où Paul écrit à l’Eglise de Corinthe, il n’y a pas d’Ancien Testament ! Pas plus qu’il n’y a une Bible hébraïque constituée, ou en tout cas elle ne l’est pas comme celle d’aujourd’hui. Lisons bien une partie de ce troisième chapitre de la deuxième épitre aux corinthiens dans la Nouvelle Bible Segond (© Alliance Biblique).

1 Recommençons-nous à nous recommander nous-mêmes ? Ou bien aurions-nous besoin, comme quelques-uns, de lettres de recommandation pour vous, ou encore de vous ? 2 C’est vous qui êtes notre lettre, écrite dans notre cœur, connue et lue de tous. 3 Il est manifeste que vous êtes une lettre du Christ confiée à notre ministère : une lettre écrite, non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant ; non pas sur des tablettes de pierre, mais sur des tablettes de chair, sur des cœurs.
4 Telle est la confiance que, par le Christ, nous avons en Dieu. 5 Non pas que de nous-mêmes nous soyons capables de considérer quoi que ce soit comme venant de nous-mêmes : notre capacité vient de Dieu. 6 C’est lui aussi qui nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle, non pas de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre.
7 Or si le ministère de la mort, gravé avec des lettres sur des pierres, s’est trouvé entouré de gloire, au point que les Israélites ne pouvaient pas fixer le visage de Moïse, à cause de la gloire, pourtant passagère, de son visage, 8 comment le ministère de l’Esprit ne le sera-t-il pas à plus forte raison ? 9 Si le ministère de la condamnation a eu de la gloire, à bien plus forte raison le ministère de la justice abonde-t-il en gloire. 10 — Et, sous ce rapport, ce qui a été glorifié n’a pas été glorifié, à cause de cette gloire plus éminente. — 11 En effet, si ce qui était passager a été marqué par la gloire, à bien plus forte raison ce qui demeure est-il entouré de gloire.
12 Ayant donc une telle espérance, nous montrons d’autant plus d’assurance. 13 Nous ne faisons pas comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, pour que les Israélites ne voient pas la fin de ce qui était passager. 14 Mais leur intelligence est devenue obtuse. En effet, jusqu’à ce jour, quand ils font la lecture publique de l’ancienne alliance, le même voile demeure ; il n’est pas enlevé, parce qu’il ne disparaît que dans le Christ. 15 Jusqu’à ce jour, quand on lit Moïse, il y a un voile sur leur cœur ; 16 mais lorsqu’on se tourne vers le Seigneur, le voile est enlevé. 17 Or le Seigneur, c’est l’Esprit ; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. 18 Nous tous qui, le visage dévoilé, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire ; telle est l’œuvre du Seigneur, qui est l’Esprit.

L’expression ils font la lecture de l’ancienne alliance évoque la lecture de la Torah dans le culte synagogal, et pas la lecture de la bible hébraïque (Ancien Testament) en soi. C’est bien cette expression qui a donné naissance a posteriori à l’expression Ancien Testament, mais au moment où Paul en parle, c’est un anachronisme que de sous-entendre qu’il parle de la première partie de la Bible chrétienne. M. Remaud dit bien : « On ne peut nier que ces termes, au fil des siècles, aient acquis des harmoniques étrangères à leur signification originale […] » mais il n’évoque cette évolution qu’à propos de la coloration négative qu’a pris le terme ancien.
Le mot Ancien a pris une connotation de péremption. Or Jésus exprimait que cette première alliance n’était en rien obsolète.

17 Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir. 18 Amen, je vous le dis, en effet, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota ou un seul trait de lettre de la Loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. 19 Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux gens à faire de même sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.
(Matthieu 5,17 – NBS)

Il est vrai qu’il y a peu de temps, le mot Ancien n’était pas chargé négativement dans l’esprit des gens, et qu’il est encore sous d’autres latitudes, la caution d’une certaine autorité. A l’inverse, le culte moderne de la nouveauté fait que la très grande valeur accordée au terme Nouveau semble s’étioler depuis une dizaine d’années…
Ce qui gêne certains chrétiens c’est surtout, dans le dialogue interreligieux avec nos frères aînés dans la foi, les Juifs, la possibilité qu’ils croient que nous déprécions l’alliance première et incidemment que cette dépréciation soit un signe d’antisémitisme.
Voilà pourquoi aujourd’hui beaucoup préfèrent le terme Premier Testament pour parler de la Loi, des Prophètes et des Autres Ecrits dont Jésus considérait pour lui-même qu’ils formaient le tout des Écritures.

« Premier et Second Testaments »
Cette double appellation a autant d’inconvénients que d’avantages. Le mot premier étant positif, il permet aux chrétiens d’assumer un langage valorisant qui apaise en même temps les culpabilités d’après la Shoah. Quant au mot second, il a l’avantage sur le mot deuxième qu’il clôt la liste, et n’ouvre pas la possibilité d’un troisième (les musulmans pourraient alors croire que la « révélation » mahométane serait le troisième testament).
Comme le note M. Remaud, le second complète le premier. Mais, alors qu’il a montré que le mot testament vient du testamentum latin qui traduit lui-même le berit hébreu et qui signifie alliance, il n’est donc pas possible d’utiliser la métaphore notariale pour dire que le second testament annule le premier…
Enfin, il ne serait pas illégitime d’avancer que quelque chose déclaré second, dans beaucoup de contextes, induit qu’il s’agit d’un propos secondaire.

« Premier et Nouveau Testaments »
En préconisant de conserver l’appellation Premier Testament pour les mille premières pages de nos Bibles chrétiennes, nous choisissons d’asseoir la primauté historique de ces écrits et ménageons nos frères Juifs, ainsi que l’alliance fondatrice de notre foi.
Et en gardant le terme Nouveau Testament, nous confirmons les prophéties du Premier Testament qui annonçaient une alliance nouvelle et éternelle.

Author: Gilles Boucomont

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