Être ou devenir parfaits

Prédication donnée au Temple du Marais

Lectures bibliques

Philippiens 3:4-16 – Nous qui sommes parfaits
Moi, je pourrais avoir confiance en moi-même. Si quelqu’un d’autre peut penser qu’il a raison d’avoir confiance en lui-même, moi, je peux le penser encore plus.
J’ai été circoncis huit jours après ma naissance, je suis né Israélite, de la tribu de Benjamin. Tous mes ancêtres sont juifs, et j’obéissais à la loi de Moïse, comme un Pharisien fidèle. J’y tenais tellement que j’ai fait souffrir l’Église. Au sujet de la justice qui vient de la loi, on ne pouvait rien me reprocher.
J’ai cru gagner beaucoup avec ces choses-là, mais maintenant, à cause du Christ, je trouve que c’est une perte. Connaître le Christ Jésus mon Seigneur, voilà le plus important. À mon avis, tout ce qu’on gagne, ce n’est rien à côté de cette connaissance. Pour lui, j’ai tout abandonné. Pour gagner le Christ et pour être uni à lui, je considère toutes ces choses-là comme des ordures. Je ne suis pas juste parce que j’obéis à la loi, mais parce que je crois au Christ. C’est Dieu qui rend juste, et il rend juste celui qui croit.
La seule chose que je veux, c’est connaître le Christ, et connaître la puissance qui l’a fait se lever de la mort. Ce que je veux, c’est souffrir avec lui et lui ressembler dans sa mort. Ainsi, j’espère que je pourrai, moi aussi, me lever de la mort.
Je ne veux pas dire que j’ai déjà atteint le but, ou que je suis déjà parfait! Mais je continue à courir pour saisir le prix, parce que le Christ Jésus m’a déjà saisi. Non, frères et soeurs, je ne pense pas que j’ai déjà obtenu le prix. Mais j’oublie la route qui est derrière moi, je suis tendu en avant, et je fais la seule chose importante : courir vers le but pour gagner le prix. Dieu nous appelle d’en haut à le recevoir par le Christ Jésus.
Nous qui sommes parfaits, nous devons penser de cette façon. Et si, sur un point, vous pensez autrement, Dieu vous éclairera aussi là-dessus. En tout cas, continuons la même route que nous avons suivie jusqu’à maintenant!

Matthieu 5:43-48 – Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait
Vous avez appris qu’on a dit : « Tu dois aimer ton prochain et détester ton ennemi. » Mais moi, je vous dis: aimez vos ennemis. Priez pour ceux qui vous font souffrir. Alors vous serez vraiment les enfants de votre Père qui est dans les cieux. En effet, il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Il fait tomber la pluie sur ceux qui se conduisent bien et sur ceux qui se conduisent mal. Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, quelle récompense est-ce que Dieu va vous donner? Même les employés des impôts font la même chose que vous ! Et si vous saluez seulement vos frères et vos soeurs, qu’est-ce que vous faites d’extraordinaire? Même les gens qui ne connaissent pas Dieu font la même chose que vous !
Soyez donc parfaits, comme votre Père des cieux est parfait !

Prédication
Qu’est-ce donc que la perfection puisque Jésus nous invite et nous incite à être parfaits comme le père céleste est parfait ? Cela fait partie des paroles inquiétantes de la bible, parce que par ailleurs, nous croyons que la perfection n’est pas de ce monde. Cette petite phrase toute faite aux allures de proverbes — la perfection n’est pas de ce monde — imprime nos esprits de façon profonde et, comme toute phrase proverbiale, nous ne sommes pas prêts à la contester intelligemment. Il y a des tas de phrases comme celle-là qui n’ont rien de biblique, qui sont des idées tout à fait contraires à l’Evangile, mais qui sont comme des paroles d’Evangile en nous simplement parce que ce sont des ritournelles proverbiales.
« Jamais deux sans trois ». Honnêtement, c’est stupide, comme parole. Quelle est la fatalité qui me lierait à ce qu’un phénomène qui est arrivé deux fois arrive une troisième fois ?
Alors, dans le même ordre d’idées, pourquoi est-ce que « la perfection ne serait pas de ce monde » si Jésus nous dit d’être parfaits comme le père céleste est parfait ?
Ce qui est certain c’est que le mot parfait ne veut peut-être pas dire la même chose dans notre bouche que dans celle de Jésus. Qu’est-ce qu’une femme parfaite ? Dans notre monde, c’est une femme qui a entre 21 et 22 ans, qui est globalement anorexique, qui a eu une mention au baccalauréat et qui veut faire de l’humanitaire. Dans notre monde, un homme parfait, c’est quelqu’un de 31 à 32 ans, qui gagne beaucoup d’argent mais qui passe son temps à dire que l’argent n’a aucune importance, qui a un tableau de chasse impressionnant dans les milieux de la mode, et qui fait un chèque d’un million d’euros en toute discrétion pour le Téléthon, mais qui est malheureusement surpris par une caméra au moment même où il fait ce geste (notez que son chèque est toujours bizarre, au lieu de faire 8cmX20cm, il fait environ 80cmX2m…).
C’est beau, la perfection dans ce monde.

Le Seigneur a une autre conception de la perfection
Vous vous doutez bien que le Seigneur a une autre conception de la perfection. Le mot que Jésus emploie, dans le grec du Nouveau Testament, est un mot (teleios) qui ne nous parle pas d’une perfection où tout est beau, bien rangé, séduisant, complet et le reste. Ce mot veut dire qui est parvenu à ses fins, qui a atteint un certain accomplissement. L’idée de la perfection dont nous parle Jésus, c’est simplement qu’on ait atteint certains buts que le Seigneur a fixés. Et nous avons être parfaits comme le Père céleste est parfait, dans la mesure où, pour Dieu, il n’y a pas de décalage entre ce qu’il ambitionne de faire et ce qu’il fait vraiment. Il y a pour lui une parfaite conformité entre ses projets, ses paroles et ses actes. Nous sommes plus approximatifs, dans ce registre…
Il nous arrive de bien comprendre ce que Dieu désire pour nous, mais c’est comme si nous étions en incapacité complète d’y parvenir. Les plus optimistes se disent qu’à force, on va bien y arriver. Certains sont enclins à la culpabilité en disant qu’ils ne sont bons à rien car ils savent fort bien quelle est la cible que le Seigneur leur a demandé de viser, et qu’ils n’y arrivent pas. D’autres encore essayent de se disculper en accusant l’adversaire, Satan, ou encore la société, qui est (par définition…) méchante, les parents qui nous ont laissé différentes ardoises dans l’existence, etc. Il y a des tas de bonnes raisons pour que nous vivions un pareil décalage entre les buts que Dieu nous donne, et le réel de ce que nous parvenons à vivre. Et il y a aussi des tas de mauvaises raisons que nous invoquons pour fuir nos responsabilités dans la foi. Nous sommes prêts à accuser tout le monde pour le fait que nous ne soyons pas des êtres accomplis. Et, ultimement, nous sommes même prêts à accuser Dieu, ce qui est assez présomptueux de notre part… Qui sommes-nous pour juger Dieu et lui reprocher de ne pas faire son travail ?

Déjà parfaits ?
Soyez parfaits comme le Père céleste est parfait.
Mais bizarrement, alors que notre expérience nous fait croire que cette perfection est inaccessible, alors que sévit dans nos têtes le proverbe sur la perfection qui ne serait pas de ce monde, Paul dit aux Philippiens : « Nous qui sommes parfaits, … ». Ce qui veut dire que Paul pense que les chrétiens de la ville de Philippes ainsi que lui-même sont des gens parfaits selon la définition du Seigneur. Quel orgueil, allons-nous penser ? Oui, quel orgueil, si nous gardons nos définition de la perfection, si nous nous appuyons sur nos sagesses humaines. Mais selon la définition de la perfection qui était dans l’esprit de Jésus, cette perfection est tout à fait de ce monde. Car ce n’est pas nous qui l’accomplissons, mais c’est Dieu qui l’accomplit en nous.
Voyez comment Paul argumente son propos.
Il a bien montré combien il se croyait parfait autrefois, dans la mesure où il répondait à tous les critères de son groupe d’appartenance ; il était un bon pharisien, qui obéissait en tout point à la loi, etc. Mais il a vu tout l’orgueil et toute la vanité de cette perfection qui ne tient qu’à des critères de conservatisme et de conventions sociales. La rencontre avec Christ a été radicale. C’est fini, maintenant ; tous ces critères sont invalides. Ils ne fonctionnent plus. La mode et les références du monde, de notre monde, il faut les abandonner à tout prix. Car en Jésus, Paul a réalisé que c’est Dieu qui s’est approché de lui. Il a été choqué de voir que Dieu, dans sa perfection céleste, avait pour projet de le rejoindre. Et donc tout ce qui faisait son orgueil, sa réputation, sa bonne conscience, sa morale, sa notoriété et sa gloire, tout est devenu caduc. Il le considère même comme une chute, comme quelque chose qui peut le perdre. Quand nous croyons que nous sommes bons par nous-mêmes, nous nous précipitons dans les bras du malin, qui adore que nous pensions que nous sommes bons, alors que Dieu seul est bon.
Tout ce qui faisait la gloire de Paul, sa perfection aux yeux de ses contemporains, c’est devenu au contraire quelque chose de répugnant dans sa tête. Ce qui faisait qu’il était somptueux est devenu pour lui quelque chose de hideux.

Changer de « gloire »
Racheté par le Christ, Paul découvre que désormais il est « parfait » dans le sens du Seigneur, c’est-à-dire qu’il a reconnu que ses objectifs dans la vie étaient complètement nuls, vaniteux et hautains. C’est donc dans le recadrage de ses objectifs de vie que Paul est parfait, au sens biblique. Il a abandonné toutes ses ambitions mondaines pour n’ambitionner que ce que Dieu désire pour lui. Et ce que Dieu désire pour lui est ce qu’il y a de meilleur. Abandonnant le désir de gloire pour ses contemporains, découvrant la vertu de l’humilité, bizarrement, Dieu l’a élevé car il y a peu de chrétiens qui soient aussi connus pour l’ampleur de leur ministère que l’apôtre Paul. C’est ça, la perfection selon Dieu. C’est se soumettre aux projets de Dieu en toute humilité, et alors Dieu décide de ce qu’il fera pour nous, il nous donne des moyens que notre intelligence et notre force ne nous auraient jamais donnés. Le Paul « ancienne version », persécuteur de chrétiens, parfait selon la loi, aurait peut-être acquis une petite célébrité. Au mieux, on en parlerait dans un des livres sur l’histoire des Juifs du romain Flavius Josèphe, mais pas plus. Parce qu’il a abandonné son désir de se hisser par sa propre force sur l’échelle de la réussite, mais qu’il s’est mis humblement à l’écoute de la voix de Dieu, Paul est le chrétien le plus célèbre du monde, vraisemblablement. Il n’avait que faire de cette réputation. C’est Dieu qui lui a permis de transmettre la liberté de Jésus à des millions de personnes, des milliards même à cette heure. Qui aurait pensé à une pareille destinée ?
Paul a donc renoncé aux perfections du monde pour recevoir la force de la part de Dieu de mettre en conformité ses désirs, ses paroles, ses actes avec le projet de Dieu pour lui.
« Je ne veux pas dire que j’ai déjà atteint le but, ou que je suis déjà parfait ! Mais je continue à courir pour saisir le prix, parce que le Christ Jésus m’a déjà saisi ». Vous entendez bien que Paul dit dans le même passage qu’il n’est pas parfait et qu’il est parfait. Qu’entendre derrière cette contradiction du discours ? Eh bien tout simplement qu’il y a plusieurs phases dans la vie chrétienne et qu’il est bon de savoir les vivre en conformité avec le souffle de Dieu.
Paul est parfait en ce sens que Dieu est venu le faire naître de nouveau, qu’il l’a conduit à une révision complète de ses ambitions. Ses buts sont bien calés, il est parfait selon Dieu. Et pourtant, au-delà de cette grande révision qui intervient à notre conversion ou encore à notre baptême, il faut reprendre chaque jour le projet qui consiste à ajuster nos espérances sur le programme de Dieu. Ce n’est plus le temps de la conversion, mais plutôt celui de la libération et du perfectionnement. Dieu veut toujours aller plus loin avec nous, car il n’a pas les mêmes limites que nous. Une fois que nous avons été saisis par le Seigneur, nous devons nous saisir de ses plans pour les accomplir, et vivre la perfection dans ce sens que nos ambitions seront toujours en harmonie avec les ambitions de notre Seigneur. La tâche est importante, mais elle est indispensable. Certains l’appellent « sanctification », ce qui veut dire que nous devenons saints, des gens spéciaux, des gens à part.
Paul est donc parfait car Dieu a opéré les révisions fondamentales de ses ambitions, mais il est aussi dans un chemin de perfectionnement parce que Dieu ne l’invite pas à s’endormir passivement sur le lieu de sa conversion. Il doit partir, jusqu’aux extrémités de la terre, pour accomplir sa vraie destinée. Il est donc à la fois parfait et appelé chaque jour à devenir parfait.
Qu’il en soit ainsi pour chacun d’entre nous. Que Dieu nous inspire ces ajustements de chaque jour, afin que, nous aussi, puissions être parfaits comme notre Père céleste est parfait.
Amen

Author: Gilles Boucomont

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