Son repos, son joug
Prédication donnée à l’Eglise Réformée du Marais le dimanche 6 juillet 2008
Texte biblique
Matthieu 11:25-30
Prédication (d’après des idées et notes de M.-N. Thabut)
J’expérimente en ce moment combien il est important de retourner au texte biblique avec un regard neuf, sans penser qu’on connaît ce texte par cœur. Car c’est la musicalité du texte que nous connaissons par cœur et non pas son sens. C’est assurément pour cela que dans notre habitude du culte, nous prions avant de lire la bible, pour appeler le regard renouvelé du Saint-Esprit, qui peut convaincre nos cœurs et témoigner à notre intériorité de ce que Dieu veut nous dire.
Je pensais connaître ce passage d’autant plus que le verset « Venez à moi vous qui êtes fatigués et chargés » était écrit en quatre langue dans la première Eglise où j’ai servi, en Afrique de l’Est. Nous avions beaucoup réfléchi à cette dimension du repos que donne le Christ à ceux qui sont trop chargés.
Mais cette fois-ci j’ai été frappé par la fin du passage que je vous propose d’entendre dans trois versions différentes :
PDV 28 « Venez auprès de moi, vous tous qui portez des charges très lourdes et qui êtes fatigués, et moi je vous donnerai le repos. 29 Je ne cherche pas à vous dominer. Prenez donc, vous aussi, la charge que je vous propose, et devenez mes disciples. Ainsi, vous trouverez le repos pour vous-mêmes. 30 Oui, la charge que je mettrai sur vous est facile à porter, ce que je vous donne à porter est léger. »
TOB 28 « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. 30 Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »
NBS 28 Venez à moi, vous tous qui peinez sous la charge ; moi, je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. 30 Car mon joug est bon, et ma charge légère.
Jésus nous invite à prendre sur nous son joug.
Récemment, nous avions rappelé combien certains ont tendance à faire porter de lourdes charges sur les épaules des autres. C’est le cas de ces religieux qui mettent tellement Jésus en colère parce qu’ils « chargent » toujours leurs prochains de mille culpabilités et obligations qui leur rendent la vie invivable. Cela conduisait Jésus à rappeler au foules que : « Les maîtres de la loi et les Pharisiens sont chargés d’expliquer la loi de Moïse. Donc, vous devez leur obéir et vous devez faire tout ce qu’ils vous disent, mais n’agissez pas comme eux. En effet, ils ne font pas ce qu’ils disent. Ils rassemblent des charges très lourdes et ils les mettent sur les épaules des gens. Mais eux, ils refusent d’y toucher, même avec un seul doigt ! » (Mathieu 23:2-4).
C’est facile d’inquiéter les gens avec tout ce qu’ils ne font pas parfaitement. C’est facile de trouver toujours quelque chose qui ne va pas. Au nom du perfectionnisme, que d’élans ont été brisés par manque de reconnaissance et de gratitude. C’est tellement plus simple de rabaisser que d’élever, de faire mourir que de faire vivre…
Mais Jésus, lui nous invite finalement aussi à prendre un joug. Il nous met bien quelque chose sur les épaules ! Donc finalement, ce n’est pas de tout repos. Voyez le paradoxe qu’il veuille nous donner le repos et en même temps nous mettre un joug sur les épaules. Est-ce qu’il est vraiment celui qui conduit à la foi libre s’il nous met cette pièce de bois qu’on réserve aux esclaves, ou plus communément encore aux animaux de trait ?
En somme Jésus nous invite à changer de joug. Il n’est pas le vendeur d’un opium pour le peuple, il ne fait pas croire qu’il suffit de marcher à sa suite et qu’on n’a plus aucun problème. On a toujours des choses à porter, mais ça n’a pas le même poids. Auprès de lui on peut trouver le repos, et parce qu’on a trouvé ce repos, on peut reprendre une charge sans qu’elle soit harassante.
Beaucoup de gens présentent la foi comme ce qui va régler tous les problèmes. C’est un peu le piège quand on ne garde que la première partie du verset biblique. Qui d’entre vous se souvenait qu’après avoir appelé les chargés et fatigués pour qu’ils viennent trouver du repos, Jésus disait qu’il leur mettait sur les épaules un joug ?
L’enjeu est donc plutôt de savoir quel joug on porte.
Qui est le propriétaire de ce joug qu’on nous met sur les épaules ?
Quel est cette puissance qui nous fait porter ça ?
Tout le monde a un dieu. Même les athées ont un dieu. Et il est d’autant plus puissant qu’ils n’en connaissent pas le nom. Il a une telle emprise qu’il est invisible, toujours derrière eux, jamais à découvert. Voilà un joug lourd et injuste, qui leur a été mis sur les épaules sans qu’ils puissent voir celui qui le mettait sur eux. C’est le fardeau imposé par les kidnappeurs, les terroristes, les systèmes totalitaires.
Jésus, lui est franc. Il ne ment pas sur la marchandise. Il dit bien qu’il va nous donner un joug, mais que ce joug est léger. C’est-à-dire qu’il est portable. Vous êtes fort ? Vous aurez un joug un peu plus lourd vraisemblablement que votre voisin qui n’est pas fort.
Jésus substitue un joug léger à un joug écrasant.
A ceux qui veulent devenir chrétiens, je dis clairement : vous allez recevoir beaucoup de joie, beaucoup d’apaisement, et du repos. Mais sachez qu’à la mesure de tout ce que Dieu va vous donner, vous allez recevoir des responsabilités dans la foi. La responsabilité d’être un point de repère pour votre entourage. La responsabilité d’être une lumière pour le monde. La responsabilité du témoignage et de la prière, celle de l’intercession.
Ce sont de lourdes responsabilités, c’est vrai.
Alors est-ce que c’est un joug léger ? Peut-être pas.
En tout cas pas si on veut le porter tout seul.
Car c’est ce qui m’a marqué dans la lecture de ce passage aujourd’hui. Un joug est toujours un outil pour tirer ou porter quelque chose de très lourd, mais surtout, il n’est pas seulement un harnais individuel. Un joug est d’abord quelque chose qui nous relie à une autre personne, à un autre bovin si on est un bœuf, à un autre équidé si on est un cheval. Un joug est toujours à deux places.
C’est peut-être pour cela qu’on qualifie le mariage de joug, parfois. Mais il ne faut pas le prendre négativement. Cela veut dire qu’on va porter à deux ce qu’on portait autrefois tout seul dans son coin. C’est bien mieux, car dans les moments difficiles, il est vraisemblable que l’autre peut être en meilleure santé que nous, qu’il a plus de force et qu’il est capable de tirer bien plus. A deux, on porte bien plus que ce qu’on portait chacun pour soi.
Aussi, cela veut dire que, quand Jésus nous dit de prendre SON joug, c’est que nous allons porter nos responsabilités avec lui ! Et nous allons aussi assumer ses responsabilités collectivement. La foi et la condition de disciple qu’il nous demande d’embrasser, c’est donc, comme je le disais, à la fois un repos au sens où Jésus nous est attaché et nous lui sommes attachés, et qu’il nous aide à porter nos charges. Et en même temps, nous sommes conviés à porter avec lui les charges qui sont les siennes.
« Prenez sur vous mon joug », c’est donc porter une lourde poutre sur nos épaules, une sorte de croix où Jésus et nous-mêmes serions attachés au bois. Mais c’est surtout la capacité de démultiplier nos forces car nous ne serons pas tout seul à tout porter. Elles sont lourdes les responsabilités nouvelles du chrétien, mais tellement légères si elles sont portées véritablement en conjugant nos forces avec celles de Jésus. Le plus fort des deux donne le rythme et l’autre peut suivre, et devenir fort, tout en n’étant pas épuisé.
« Si quelqu’un te force à faire un kilomètre à pied, fais-en deux avec lui. » disait Jésus en Matthieu 5:41. La foi, c’est donc marcher non seulement dans les pas de Jésus, mais vraiment en étant attachés et solidaires de lui comme le sont les chevaux d’un attelage. C’est bien cette capacité à marcher avec un autre, que ce soit Jésus ou que ce soit le frère, en portant ensemble nos charges.
Ce que nous propose Jésus, c’est de porter en nous un bagage énorme qui est celui de la Bonne Nouvelle. C’est une connaissance énorme que de connaître tous les mystères du monde, c’est un savoir incroyable que de porter toutes les réalités et vérités que nous présentent les Ecritures bibliques, mais Jésus nous permet de porter tout cela avec lui. Parce qu’il est le Vivant, parce qu’il est présent par son Esprit-Saint, il nous permet d’être dépositaires de cette connaissance volumineuse, de porter des responsabilités énormes, non plus seulement parce qu’il nous les aura mises violemment sur les épaules, mais parce qu’il viendra les porter avec nous, d’un geste commun, avec un joug commun. Et son joug deviendra le nôtre. Et notre joug deviendra le sien.
« Empressons-nous donc d’entrer dans ce repos » Hébreux 4:11
Amen