Réformation, jour de fête ?
Certains protestants fêtent à la fin du mois d’octobre la commémoration de la Réforme, appelée “Fête de la Réformation”. Cette célébration lors d’un culte dominical conduit ceux qui la célèbrent dans un paradoxe étonnant…
La célébration de la Réformation a commencé déjà du vivant de Luther. Cela se pratiquait chaque année dans certaines Eglises allemandes : en 1528 dans l’Eglise de Brunswick et en 1529 à Hambourg. La date initialement prévue était le dimanche de la Trinité.
Plus tard, à la fin du XVIéme siècle, un lien plus direct fut établi avec la personne de Luther. En effet, on choisit sa date de naissance, le jour de la Saint-Martin. Ailleurs, c’est celui de son décès (18 février) qui était commémoré.
L’idée était de marquer l’événement fondateur du protestantisme. A partir du XVIIéme siècle, ces dates se concentrent finalement autour du 31 octobre (ou le dimanche le plus proche). Cette date correspond à l’affichage des 95 thèses de Luther sur les indulgences, contestant que le salut puisse être quelque chose que l’Église vende. Très combative au départ, la tonalité de la fête a changé. Aujourd’hui, c’est l’occasion de repenser au message central de l’apôtre Paul et du réformateur de Wittemberg : le salut par grâce, par le moyen de la foi. Les textes bibliques le plus souvent lus lors de la fête sont : Galates 5, 1-6 : l’appel à la liberté ; Romains 3, 20-28 : la justification par la foi ; Matthieu 5, 2-12 : les Béatitudes.
Voici une prière prononcée dans les Eglises luthériennes allemandes en ce jour :” Dieu tout-puissant et miséricordieux, nous te rendons grâce parce que, par des témoins et confesseurs fidèles, tu as à nouveau donné à nos pères ton pur Evangile et parce que tu nous laisses encore aujourd’hui annoncer ta vérité qui nous sauve. Nous te prions : permets que l’annonce pure de ta Parole et l’usage juste de tes saints sacrements soient conservés parmi nous et parmi nos descendants “.
La coïncidence de date avec les fêtes païennes d’Halloween et la fête des morts qui précède la Toussaint n’est peut-être pas un hasard. La fin du mois d’octobre marque le passage vers l’hiver, le temps du combat contre le froid, de la lutte humaine contre toutes les fatalités des saisons et de la mort.
Quoi qu’il en soit, faire mémoire de la Réforme est intéressant. Mais du point de vue d’un Calvin, dont l’Église réformée est issue, cette pratique serait assez choquante car elle hisse au rang de fête un événement sans rapport direct avec la vie du Christ. En effet, toutes les autres fêtes sont là pour nous rappeler Jésus lui-même, seul centre possible de notre foi, qui nous décentre de nous-mêmes et nous invite à ne pas faire de nos identités particulières des idoles mortifères.
Alors, faut-il fêter la Réformation ? S’en souvenir ensemble, dans une conférence ou dans un article comme celui-ci, pourquoi pas, mais en faire un événement cultuel n’est pas du tout cohérent avec le fond de notre foi. Chacun en sera juge et l’on peut imaginer qu’il y aura autant de réponses que de fidèles : c’est un bon vieux réflexe protestant.