Pourquoi Dieu est-il Père et pas mère ?
La nouvelle guerre des sexes qu’essayent d’enclencher les groupes masculinistes et les groupes féministes extrêmes poussent certains à vouloir contester le vocabulaire biblique qui dit de Dieu qu’il est Père en proposant d’universaliser le propos et de parler du Dieu-mère.
C’est étonnant que les spécialistes du genre, qui nous ont aidé à penser le paternel et le maternel comme des fonctions, s’enlisent dans la confusion en pensant que le paternel serait du masculin sexué et le maternel du féminin sexué.
La paternité n’est pas une question génitale car nous savons que le géniteur et le père ne sont pas forcément la même personne. Le géniteur a donné sa semence, mais le père donne son temps, son amour, des repères. Dire que Dieu est Père ne veut pas dire que Dieu serait masculin et encore moins qu’il serait sexué au sens génital.
Alors
faisons un retour sur la maternité et la paternité.
Le privilège des femmes est de pouvoir devenir mères en portant l’enfant dans
leur ventre durant neuf mois. Dans cette période de gestation, l’enfant
bénéficie de la circulation sanguine de sa mère, de l’oxygène et de la
nourriture que cela apporte, car l’embryon a déjà beaucoup d’énergie à
consacrer à grandir physiquement. Les mères sont donc d’abord mères par le
sang. D’ailleurs le mélange du sang maternel et infantile fera que pendant sept
ans environ la mère gardera dans son corps des traces d’ADN de son enfant et
réciproquement.
Une fois la
naissance advenue, afin que le choc d’un état d’hyper-sécurité à un état de
danger soit quelque peu lissé, la fusion physique de l’allaitement et de
l’embrassement permettent à l’enfant d’avoir une forme de sas de décompression.
Parce que oui, la naissance c’est un sacré changement, au point
qu’administrativement on dise de façon étrange qu’on est vraiment vivant que
depuis notre naissance… Le temps de la fusion après la gestation génère la
deuxième modalité de la maternité avec comme symbole le lait. La maternité
commence donc par le sang et continue avec le lait.
De façon conjointe un troisième « ingrédient » si j’ose dire vient
permettre l’élaboration de la relation, c’est la parole, cette parole qui
permet de se différencier et de devenir vraiment une personne du point de vue
psychique.
Les femmes sont donc mères par le sang, le lait et la parole.
Même s’il
est aussi géniteur, l’homme n’est père que par la parole. D’abord la parole de
la mère qui dit à l’enfant qui vient de naître : « C’est lui ton
père ». C’est une nomination au sens plénier du terme. L’homme est fait
père par la parole de la mère.
Puis progressivement, par sa propre parole, le père va grandir comme père en
même temps que l’enfant grandit comme enfant.
Maternité
et paternité sont donc des fonctions relationnelles et on ne doit pas les
génitaliser ou les associer de façon systémique.
Chacun aura compris que la maternité (du sang, du lait et de la parole) est
plus forte que la paternité qui n’a que la parole. La paternité est très
restrictivement relationnelle car tous les pères sont adoptifs finalement, même
quand le géniteur est adopté comme père.
Quand nous disons donc que Dieu est père, nous ne parlons pas de semence, d’ADN, ni rien de biologique. Il est Dieu par sa Parole. A contrario de la mère, dont le sang et le lait sont physiques.
Dieu
devient père de Jésus dans le projet de naissance quand une parole est offerte
à Marie. Mais Jésus, qui fut pendant 30 ans considéré comme le fils de Joseph,
le fils du charpentier, devient véritablement fils de Dieu au moment de son
baptême, sa naissance d’en-haut, quand il reçoit la parole paternelle : « Celui-ci
est mon fils bien-aimé en qui je mets toute mon affection ».
Jusqu’à cet événement, dans tout le premier testament, le Dieu créateur aura
été comparé à un père, mais désormais, maintenant qu’il a un Fils, pour la
première fois on va appeler Dieu père. Jusqu’à même recevoir le conseil de
Jésus de prier Dieu en s’adressant à lui et en disant : « Notre Père
qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne,
etc. ».
La paternité de Dieu est donc simplement une modalité relationnelle. C’est parce que notre relation à Dieu ne se fait que par la parole que Dieu est notre père. C’est parce qu’il nous parle, notamment par les Ecritures saintes, que nous sommes ses enfants. C’est parce que nous lui parlons par la prière qu’il est vraiment « Abba, notre père ».
Cela ne doit pas choquer qui que ce soit, c’est juste un phénomène anthropologique. Car si Dieu était notre mère, nous aurions des traces de lui dans notre corps, si Dieu était notre mère, nous devrions nous nourrir à son sein, etc.
Il n’y a là
aucun masculinisme, aucune modalité patriarcale, mais juste une compréhension
d’un mode relationnel bien particulier. Alors ne nous laissons pas tenter par
des « Notre Mère », dont la superficialité et l’apparente
réhabilitation féminine ne seraient que des leurres.