La racine, la ramure et le fruit
A mes frères et soeurs chrétiens qui ont du mal à comprendre la façon dont fonctionnent certaines aberrations apparentes de leur vie, et qui s’acharnent à soigner leur âme pour guérir leur esprit.
L’être humain est traditionnellement décrit en Occident comme esprit, âme et corps. L’Esprit (en latin spiritus et en grec pneuma) est le lieu de notre échange avec le divin, le lieu du souffle. L’Ame est le lieu de nos émotions, de nos affects, de notre intelligence, et vient du mot latin anima, qui en grec se dit psychè. Le Corps est l’ingrédient matériel de notre être.
Ces parties de nous-mêmes sont différenciées en nous, mais elles s’influencent les unes les autres. Si mon corps est fatigué, mon âme risque d’être sujette au “vague à l’âme”. Si mes affects (âme) sont troublés, mon esprit peut souffrir aussi et mon rapport avec Dieu en pâtir. L’Esprit, l’Ame et le Corps sont donc différenciés mais pas séparés : sans être proprement “étanches”, ils sont distincts.
Il est aujourd’hui tout à fait admis que certaines maladies sont psycho-somatiques. Cela signifie que ces maladies ont une origine psychique et qu’elles se manifestent essentiellement dans des effets physiques et corporels. Pourquoi ne pourrions-nous pas admettre alors que des maladies peuvent être somato-psychiques ? La science contemporaine nous fait découvrir que certaines substances chimiques de notre corps, comme les hormones, peuvent aussi créer des variations dans notre âme, au niveau psychologique.
Autant l’interpénétration du corporel et du psychologique semble être “autorisée” dans le discours, autant l’interpénétration avec le champ spirituel est généralement sujette au soupçon.
Il existe pourtant des maladies peumato-psychiques, c’est-à-dire qui ont leur origine dans un problème de l’esprit et qui ont une conséquences sur l’âme. Certains types d’idolâtries créent des troubles psychiques, comme, par exemple, l’adoration du Dieu-Argent, appelé Mammon dans la Bible ou “société de consommation” dans notre environnement. Ce trouble spirituel crée des pathologies de l’âme bien particulières : appétences incontrôlées, frénésie de consommation, hyper-activité, etc.
Il existe aussi des maladies pneumato-somatiques, c’est-à-dire qui ont une racine spirituelle et créent un effet physique. Certains types de mysticismes morbides comme le gothisme peuvent créer des carences physiques, un dépérissement du corps, une transformation des traits du visage, et certains cancers qui sont de l’ordre de l’auto-destruction.
Pourquoi l’interaction de l’esprit sur l’âme et le corps est-elle difficile à admettre pour les modernes ? Simplement parce qu’elle conteste implicitement la suprématie intellectuelle d’un certain scientisme médical, d’une part, et d’un psychologisme généralisé, d’autre part. Ce déni de la racine spirituelle de nombreuses pathologies est tout simplement la conséquence d’une maladie sociale globale : le déni de l’esprit.
Il est donc tout à fait capital pour les chrétiens qui veulent vivre dans la liberté, de ne pas tomber dans le piège de la réduction de leurs problèmes aux seules racines somatique ou psychologique.
Ainsi, il devient possible de traiter des pathologies à leur racine, sans se leurrer à ne traîter que les symptômes ou les effets. On ne guérit pas d’un cancer en ne faisant que faire baisser la fièvre avec de l’aspirine. Le traîtement du symptôme ne fait que repousser l’échéance de la guérison profonde.
Il faut nommer racine ce qui est racine, ramure ce qui est ramure, et fruit ce qui est fruit. Et il ne sert à rien de s’entêter à traiter avec des moyens médicaux des problèmatiques spirituelles, tout comme il est aberrant de prendre des tranquilisants (pour le corps) pour “recevoir la paix” spirituelle (Jean 14:27).