Convertir nos peurs
Prédication donnée à l’Eglise Réformée du Marais, le dimanche 22 juin 2008
Lecture biblique : Matthieu 10:26-33
Jésus disait aux douze apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la Géhenne l’âme aussi bien que le corps… (…)
Prédication
Qu’est-ce qui ressemble le plus à une peur qu’une autre peur ?
Quand j’ai peur, je suis tétanisé. Je deviens incapable de réfléchir, incapable de faire des choix. C’est comme si quelque chose bloquait tous les processus normaux dans ma tête et dans ma vie.
La peur est surtout capable de bloquer les réflexes fondamentaux de la foi. Tous les ressorts qui nous permettent habituellement de nous confier à Dieu sont comme paralysés quand nous sommes entrés trop profondément dans la peur. C’est comme si nous oublions des réflexes basiques de sécurité. Nous n’arrivons plus à chercher auprès de Dieu la sécurité de base.
Ce qui est incroyable, c’est que la plupart du temps la peur naît d’une seule idée. La majeure partie des peurs est sans fondement réelle.
Il y a bien des peurs qui sont voulues par Dieu, dans la mesure où nous devons craindre ce qui est dangereux pour nous. Tant qu’un enfant n’a pas peur des voitures ou des chiens, il est en danger. La peur des chiens doit être acquise au moins un minimum pour ne pas se faire mordre.
La peur de la prise électrique est quelque chose qui doit être enseigné par les parents. La prudence nécessaire qui vous permet de ne pas être électrocutée est un apprentissage fondamental, car on ne voit pas l’électricité, et ce petit carré de plastique avec ses deux points noirs est plutôt étonnant, intéressant, attirant. Comment comprendre, en soi, qu’il est potentiellement dangereux ? Il faut que cette peur soit implantée dans notre culture et dans notre représentation.
Cet exemple nous montre bien que la peur est un phénomène mental. Cette bonne crainte de la prise électrique est construite dans la tête, par la parole des parents. En réalité, toute peur est structurée dans notre tête. Pourquoi avoir peur d’un examen en fin de terminale dans la mesure où on a étudié les sujets qui étaient au programme ? Cette peur se construit mentalement par la fascination pour tous les sujets qu’on n’aurait pas bien étudiés, par le manque de confiance en soi, par la croyance qu’on est quelqu’un qui n’a pas de chance et qui va justement tomber sur le sujet compliqué et intraitable. C’est toute une série de manques de confiance qui réunissent les conditions favorables pour que la peur apparaisse.
La cause de la peur est donc, souvent, une confiance malade. Cette atrophie de la confiance nous permet d’inventer des peurs sans fondement objectif. On peut se créer des peurs de choses qui n’existent pas. La grosse mouche qui marche sur l’abat-jour d’une lampe de chevet, en été, dans une maison à la campagne, cette grosse mouche peut devenir un monstre puissant qui cherche à nous tuer, qui est commissionné par Satan lui-même pour venir aspirer notre sang, etc. Je vous laisse finir la formulation avec toute la créativité que nos cerveaux peut produire. Un film peut naître d’une telle inspiration. Mais le réel, c’est une grosse mouche sur un abat-jour. Dès qu’une personne tierce vient nous rappeler qu’il n’y a rien d’autre qu’une gentille mouche sur notre lampe, le monstre disparaît, la peur n’a plus de lieu en nous, et elle est maîtrisée involontairement.
La peur est donc bien une histoire de représentation, un système d’images mentales, et qui trouve sa racine dans une sorte d’atrophie de la confiance. Manque de confiance en soi, mais aussi manque de confiance en Dieu. Autant le dire sans ménagement, manque de foi.
« Ne craignez pas » fait partie de ces petites phrases répétitives qui émaillent le texte biblique comme un refrain qui revient dans une chanson. Une parabole « Ne craignez pas », un texte de loi « Ne craignez pas », une histoire épique « Ne craignez pas »…
La peur est le contraire de la foi. Et Jésus nous enseigne dans ce sens-là en nous rappelant des choses tellement simples ! Une fois que nous les avons entendues, nous sommes comme le bachelier avec son bac en poche : « Comment ai-je pu m’effrayer tellement pour une affaire comme celle-là ? » Une fois que nous entendons la stratégie que Jésus nous propose pour sortir de la peur, nous sommes comme l’enfant un peu gêné d’avoir pris une mouche pour un monstre, un minuscule insecte pour la promesse d’une séance de torture conduite par un monstre qui le mènerait en enfer.
Une parole de vérité, un cœur qui se laisse persuader dans la foi, voilà la solution à nos peurs, à la plupart de ces peurs qui sont en fait des constructions dans nos têtes. C’est tellement facile pour l’ennemi du Christ de nous faire défaillir, de nous abattre sans raison ! On dit en français que la peur n’éloigne pas le danger ; c’est vrai. Mais on pourrait aller plus loin en disant que la peur crée le danger. Par une simple construction savante, l’ennemi de nos âmes peut bâtir un système d’oppression très perfectionné, qui tourne en boucle. Car il suffit d’amorcer la peur pour que ce soit nous-mêmes qui l’entretenions, que nous soufflions régulièrement sur sa braise pour qu’elle reste bien vivace.
Imaginez si nous mettions la même énergie à entretenir notre foi !
Travailler à déconstruire les artifices de la peur, et œuvrer à reconstruire les multiples raisons de renouer avec la confiance, voilà ce que nous propose Jésus.
Finalement, que pouvons-nous craindre des autres ? Le pire que nous puissions subir de leur part, c’est qu’ils nous tuent. Leur irruption dans notre parcours pourrait interrompre le nôtre. Ils pourraient porter atteinte à notre installation dans le temps. Mais craindre pour notre temps, c’est oublier un petit paramètre, un détail, quoi, le fait que notre vie n’est pas limitée à l’étroitesse du temps, depuis qu’elle a été élargie aux dimensions de l’éternité ! Comment craindre que quelqu’un touche à une toute petite séquence de notre temps alors qu’un autre, mille fois plus grand, nous a offert l’éternité et qu’il veille dessus ? C’est aussi ridicule que de s’énerver parce qu’on a acheté un yaourt à 50 centimes d’euros et qu’on voit le même à 48 centimes d’euros dans le magasin concurrent. On s’agace de ne pas avoir trouvé le meilleur prix. Mais avez-vous tellement d’énergie à perdre pour vous concentrer sur ces 2 centimes d’euros pour qu’ils deviennent aussi importants ? Que sont-ils par rapport aux mille euros dont vous disposez chaque mois si vous êtes au SMIC ?
Pourquoi laisser s’enclencher des processus de colère, de peur, d’amertume, pour des toutes petites choses, alors que Dieu vous a offert des bénédictions gigantesques ? Vous perdez du temps à geindre sur des malheurs microscopiques alors que les portes de l’éternité vous ont été ouvertes par le créateur du ciel et de la terre. Vous perdez du temps à voir tous ces petits décalages de l’existence qui font que nous ne sommes pas tout à fait droits, alors que si vous dépensiez ce temps à vous remettre devant votre Sauveur, toutes ces choses microscopiques disparaîtraient telle une fourmi écrasée par le gigantisme du pied de l’éléphant.
Jésus nous invite à retrouver le sens des proportions. Ce qui devient grand en nous est souvent quelque chose de très petit à la base. Le danger pour celui qui se confie en l’Eternel, est quelque chose de ridicule et insignifiant, mais l’ennemi arrive à nous faire nous concentrer sur ce tout petit pour que nous ne voyions pas l’immensité de la bonté de Dieu. « Le sage montre l’immensité des cieux en tendant le doigt, et le sot regarde le doigt ». Une pièce de deux centimes d’euros, mise très près de votre œil, vous cachera l’immensité et la lumière du soleil. Notre fascination pour l’infiniment petit nous cache les merveilles de l’infiniment grand. Si Dieu connaît la destinée du moindre moineau d’un parce parisien, comment serait-il ignorant de votre propre destinée ?
Remettre les choses à leur place, nommer les choses pour ce qu’elles sont, voilà un travail de vérité dans nos vies qui est salutaires. Il nous empêche de nous faire arnaquer dans la pensée. Accueillir la vérité de nos vies de la part du Christ, voilà la seule façon de terrasser nos peurs.
Alors que la peur nous tire vers le bas, alors que la peur nous fait redouter l’imminence de la mort et sa prétendue puissance, le Seigneur nous appelle à la conversion. Non pas seulement convertir notre âme ou convertir nos cœurs. Il nous appelle à la conversion de nos peurs. Ces peurs qui nous tirent vers les enfers doivent se convertir en crainte, en crainte de l’Eternel. Passer de la peur de tout à la crainte de l’Eternel, c’est un chemin de vie. Car craindre Dieu, c’est reconnaître que lui seul peut non seulement interférer sur notre temps, mais qu’en plus il a des droits sur notre éternité. Remettre le temps à sa place, c’est le reconnaître comme n’étant qu’une seconde au milieu de l’éternité. Remettre nos peurs à leur place, c’est leur rappeler qu’elles sont une grosse mouche sur un abat-jour par rapport à l’immensité du ciel et de la terre.
Même les choses cachées seront révélées, car elles sont connues de Dieu. Rien de caché ne peut normalement nous faire peur, car celui qui veille sur nous les voit. Rien de ce qui est caché ne peut être un danger signifiant si nous vivons comme les amis très chers de celui qui connaît toute chose.
Prière spontanée
Amen