Noël, les courses (2/4) : prêts ?
Noël, course en Avent
Prêts ?
La Bible, Nouveau testament – 1 Pierre 3:8-16
Enfin, ayez tous les mêmes pensées et les mêmes sentiments,
aimez-vous comme des frères et des soeurs.
Soyez bons, et faites-vous petits les uns devant les autres.
Ne rendez pas le mal pour le mal, ne rendez pas l’insulte pour l’insulte.
Au contraire, répondez : « Que Dieu te bénisse ! »
En effet, quand Dieu vous a appelés, c’était pour vous donner une bénédiction.
Les Livres Saints disent :
« Est-ce que tu veux avoir une vie agréable
et connaître des jours heureux?
Alors ne dis pas de mal des autres.
Évite les mensonges.
Fuis le mal, et fais le bien.
Recherche la paix et poursuis-la.
Oui, les yeux du Seigneur se tournent vers ceux qui lui obéissent.
Ses oreilles entendent leurs cris,
mais il s’oppose à ceux qui font le mal. »
Si vous cherchez à faire le bien de tout votre coeur, qui vous fera du mal?
Et puis, si un jour vous souffrez parce que vous faites le bien, quel bonheur pour vous! N’ayez pas peur des gens et ne vous laissez pas troubler!
Mais reconnaissez dans vos coeurs que le Christ seul est saint, il est votre Seigneur.
Quand on vous demande pourquoi vous espérez,
soyez toujours prêts à donner des explications.
Mais faites-le avec douceur et respect, avec une conscience pure.
Alors, quand des gens vous accusent faussement sur un point,
quand ils vous insultent parce que vous vous conduisez en chrétiens,
ils seront couverts de honte.
Prédication :
Nous allons donc vivre de dimanche en dimanche les quatre temps de course de Noël : à vos marques, prêts, partez, allez allez allez. La semaine dernière, vous vous étiez mis « à vos marques », et là, vous êtes « prêts ».
Ce temps où le starter dit « prêts » est difficile car il peut durer plus ou moins longtemps. Et c’est la question clé de notre attente : il n’y a pas le même temps entre « à vos marques » et « prêts » qu’entre « prêts » et « partez ».
Le temps de préparation est résolument un entre-deux qui n’est pas pratique. Tant qu’on sait qu’on n’a à attendre qu’un peu, ça va. Tant qu’on sait qu’on nous dit « prêts » une ou deux secondes avant l’événement tant attendu, on supporte. Mais ce qui est difficile pour nous dans la vie, c’est qu’il faut la plupart du temps attendre quelque chose dont on ne sait pas si cela va venir dans l’heure qui suit ou dans trente ans.
Malgré tout nous sommes sensés nous tenir prêts.
Et la course dans le stade nous dit combien cette posture de l’attente est difficile. Tout le corps est en tension dans les starting-blocs avant de s’élancer. Les muscles sont gonflés, l’adrénaline est à son comble, le souffle est comme suspendu. Vous avez peut-être vu des compétitions où le juge semblait faire durer, durer, durer ce temps dont on pense qu’il ne sera que très bref.
La posture est difficile à tenir sur la durée, mais en même temps, elle est belle pour nous comme métaphore de ce qu’est la foi. Une attente plus que vigilante, une attente de Dieu qui nous mobilise entièrement, corps tendu, oreille à l’écoute, cerveau concentré pour lancer au bon moment tous les signaux à la mécanique du mouvement. On est prêt à courir.
Il y a beaucoup d’histoires qui évoquent ce temps de vigilance extrême, dans la bible. Vous connaissez aussi toutes ces situations, notamment dans le premier testament, où l’on décrit le croyant comme un veilleur, comme un guetteur sur une muraille, ou encore les passages des vierges folles et des vierges sages, qui elles savent rester vigilantes jusqu’au bout. Il y a aussi l’attente des bergers qui ne dorment que d’un œil pour surveiller leur troupeau, etc.
L’attente est une posture fondamentale de la foi. Mais pas une attente fataliste où l’on se couche sous une couette en attendant la mort, pas une attente de type « Inch’ Allah », mais une vigilance de tout l’être pour percevoir le signal qui ne sera pas nécessairement tonitruant.
Mais, au fait…
Qu’attendons-nous ?
Mais voilà, il manque souvent l’essentiel à notre attente : savoir ce que l’on attend, en fin de compte. Vous êtes prêts à être prêts, tant mieux, mais pour quoi, pour courir vers quoi ?
Finalement, qu’attendons-nous dans la foi, quel est ce signal qui nous fera démarrer et pour quelle course ?
Nous devons ici tirer plusieurs enseignements de l’expérience d’Israël, qui s’est structuré dans l’attente d’un Messie pendant près de cinq siècles, et qui a tellement tout basé et tout construit autour de cette posture de l’attente, qu’il a souvent été incapable de reconnaître le Messie au moment où il était là. Israël fut comme ces athlètes grecs que les sculpteurs immortalisaient dans la position cruciale de leur art : figé dans la pierre, de marbre face au signal lancé par Dieu, attendant tellement qu’il était incapable d’accueillir ce qu’il attendait, incapable de passer à autre chose que cette attente qui était devenue un mode de vie, une culture.
Alors, après non pas cinq siècles, mais vingt siècles de christianisme, à force de prédications sur l’attente et la vigilance, ne sommes-nous pas complètement endormis, figés et comme de marbre, ne sachant même plus ce que nous attendons ?
Frères et sœurs, voilà ce à quoi je voudrais vous inviter à être prêts aujourd’hui.
Nous devons nous préparer à en finir avec un christianisme culturel et social, un christianisme de surface, figé dans des théologies et des certitudes qu’on a adoucies pour les rendre plus faciles à digérer, plus « light ». C’en est fini de ce christianisme, et que Dieu soit loué pour cela. Ce christianisme est mort, christianisme de confort, moralisme convenable et bienséant qui n’était que l’arme adéquate pour quelques puissants dans leur projet de domination.
Nous devons nous préparer donc à quitter les célébrations passéistes qui n’ont leur regard tourné que vers un événement lointain, comme si l’on pouvait se lancer dans la course en regardant en arrière. Nous le disions dimanche dernier, la bible, ainsi que l’amour de Dieu, sont nos deux starting-blocs et ils sont nos bases arrières, notre appui fondamental, pour une course vers l’Avent/avant, et pas vers l’arrière. Ce vers quoi nous courons dans ce temps de Noël c’est vers une rencontre avec Dieu, vers un surgissement bouleversant qui peut tout déplacer dans nos vies. Nous ne courons pas vers Bethléem et vers l’étable. Nous ne courons pas vers des sapins au pied desquels tous les faux-dieux païens sont aussi conviés. Nous courons vers l’étincelle lumineuse qui se produit quand notre vie se frotte soudainement à la vie de Dieu. Nous courons vers l’ad-venir de Dieu, vers le choc d’une rencontre, et nous ne reculons pas dans un mémorial qui nous ferait régresser vingt siècles en arrière.
Nous devons donc nous préparer à en finir avec nos célébrations cultuelles, qui, à la manière d’un calembour, par glissements successifs, sont devenues des cérébrations culturelles. Elles ne communiquent plus assez d’espérance à nos contemporains.
Nous devons nous rendre prêts à accueillir une théologie du Royaume, ce qui très concrètement veut dire, à la suite de Paul (2 Cor 4) que l’évangile n’est pas que paroles, mais qu’il est une dynamique puissante, que le Saint-Esprit mobilise pour nous faire sortir de nos vies qui trop souvent manifestent plus la faillite et le désarroi, que la liberté et la joie qui résident en Christ.
Êtes-vous prêts à ce que le Christ vous demande de changer pour entrer dans la dimension du Royaume ?
Être prêts à accueillir le Royaume ça veut dire quoi ? Simplement faire la même chose que Jésus-Christ quand il était sur cette terre : libérer les captifs, guérir ceux qui ont le cœur brisé (Luc 4:18), ressusciter les morts, purifier les lépreux et chasser les démons (Matt 10:8). C’est une tâche concrète, ce n’est pas une métaphore.
Je voudrais m’engager devant vous à arrêter de tout rendre digeste et « light » en prenant la bible comme une gigantesque métaphore, ou un simple projet littéraire. Elle n’est pas que parole, elle est une dynamique puissante, suffisante pour nous lancer en avant.
Il nous faut aussi être prêts à déranger le monde et non à être « conformes ». Car la bonne nouvelle que nous annonçons est une mauvaise nouvelle pour les royaumes de ce monde. Elle est une mauvaise nouvelle pour ceux qui veulent asservir l’humain, pour ceux qui veulent que la créature de Dieu soit avilie.
Prêts à déranger le monde
en étant « non conformes »
C’est tout cela, tout ce foisonnement d’espérance que Pierre résume en cette parole à laquelle nous tenons ferme ce matin : « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous ».
Est-ce qu’on le fait dans nos familles, est-ce qu’on le fait dans nos quartiers ?
Est-ce que notre vie, et principalement nos paroles et nos actes, rendent compte de l’espérance que Dieu a mise en nous ? Et pourtant qu’elle est douce cette espérance que Dieu a versée dans nos cœurs. Qu’il est savoureux cet amour qui nous porte et nous fait tenir debouts. Qu’elle est fine, cette joie que le Seigneur laisse goutter dans nos existences.
C’est à cela qu’il nous faut nous tenir prêts : rendre compte de l’espérance que Christ a mise en nous. Et pas seulement dans nos cultes, car c’est facile de le faire avec des gens plutôt déjà convaincus, mais témoigner de l’espérance à tous les désespérés du quotidien, qui nous entourent.
Tenez-vous prêts, prêts à la profusion de l’espérance, prêts à recevoir et à donner un amour dont vous n’avez même pas encore idée de la démesure qui le caractérisera, prêts à vous lancer dans l’œuvre du Royaume que le Seigneur vous donnera d’accomplir.
A vos marques, prêts,… amen