La Bible légitime-t-elle la légitime défense ? [Nico]

« Celui qui veut sauver sa vie la perdra » (Marc 8,35)

« Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi la gauche » (Matthieu 5,39).

Ces textes pourraient suffire à bannir toute notion de « légitime défense »… Mais les choses sont sans doute plus compliquées. La Bible dit aussi que tout Homme est créé à l’image de Dieu, donc que la vie est sacrée, et d’aimer son prochain comme soi-même, ce qui implique, me semble-t-il, de se protéger soi-même, et de protéger son prochain (notamment sa famille).

Augustin, donc la tradition de l’Eglise, a résolu cette tension en distinguant les nécessités de la vie réelle et civile (où le mal doit être sanctionné et dont il faut se protéger), et l’attitude spirituelle de miséricorde.

Pour ce qui est des Ecritures elles-mêmes, il me semble qu’il est important de souligner ce que la théologie moderne oublie souvent : la continuité entre les deux testaments. Jésus n’a pas aboli la Loi de Moise (Matthieu 5,17-18) et, comme les juifs l’ont toujours fait, il l’éclaire, l’actualise, l’interprète en fonction des circonstances.

D’après la Loi de Dieu, révélée à Moise (avec les grands principes des 10 paroles, puis ses applications contextuelles), toute vie est sacrée (Ex20,13)… la propriété privée, qui permet la vie, doit être respectée (Exode 20, 15 ;17 ; voir une application en Exode 22,1). Jésus n’a jamais prétendu aller contre ces grands principes.

Qu’en est-il alors des textes qui invitent à relativiser sa propre vie ? Ils sont liés à la cause de l’Evangile… Ainsi un chrétien peut être conduit à accepter le martyr pour sa foi, mais « perdre sa vie » à cause du Christ, ce n’est pas perdre sa vie pour laisser dominer quelqu’un qui se comporte en ennemi de la justice et du Christ. D’ailleurs, « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15,13).

Que dire du sermon sur la montagne, où on trouve la parole « Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Matthieu 5,39) ? Jésus s’adresse ici à ses disciples devant une foule d’Israelites qui pleurent, à cause de longs siècles de désobéissance collective à Dieu, l’injustice et la misère qui sévissent dans le pays. Les velléités de révoltes sont nombreuses, et les réponses du pouvoir romain aux insurrections sont sanglantes. Les Israélites ont pourtant en tête les promesses de bonheur faites par Dieu avant leur entrée en Terre promise s’ils lui obéissent (Deutéronome 28,1). Or Jésus est le Messie qui vient restaurer et libérer Israël afin qu’il bénisse toutes les nations. Dans le cadre du renouvellement de l’alliance de Dieu avec son peuple (Matthieu 5, 3-11), Jésus invite probablement (5,41 renvoie assez clairement à une forme de persécution du pouvoir romain) à ne pas résister violemment au pouvoir. Si tel est le cas, cette position de Jésus de non-résistance à un pouvoir oppresseur se retrouve chez Paul en Romains 12,17-13,10, où Paul invite à ne pas résister à un pouvoir romain très menaçant, mais à compter sur l’intervention divine (voir Deutéronome 32, 35).

Ainsi, de manière générale, il me semble que la Bible légitime la « légitime défense », mais sa position est toute différente face à un pouvoir injuste.

 

Je viens de lire dans la Bible que Jésus, ayant rendu l’âme, est allé trois jours en… enfer ! avant de ressusciter. Mais pourquoi donc ? Pourquoi Lui ? [Michel]

Ce dont témoignent les Ecritures c’est que Christ est réellement mort et ressuscité au bout de trois jours. Où était-il ? Vraisemblablement dans l’hadès en grec (Actes 2,27), c’est-à-dire au séjour des morts, dans les profondeurs de la terre (Matthieu 12,40, Ephésiens 4,9). Le credo (symbole des apôtres) affirme qu’il est « descendu aux enfers », c’est-à-dire effectivement au séjour des morts, à ne pas confondre avec ce que l’on entend habituellement par « enfer » au singulier, qui est la destination des Hommes après le jugement (le « lac de feu » en Apocalypse de 20,14, «  la géhenne » en Matthieu 25, 41). Malheureusement, les traductions de Bible ne rendent pas toujours compte des différences entre « les enfers » et « l’enfer ». Christ serait donc descendu jusqu’à ce lieu où les morts sont en attente de ce jugement qui déterminera leur destination éternelle. Pourquoi cela ? 1Pierre est à ce sujet assez énigmatique… on trouve l’idée selon laquelle Jésus après sa mort aurait prêché  « à des esprits en prison » (3,19), « aux morts » (4,6). Mais le sens de ce passage est très controversé (prédication à des anges déchus ? Aux Hommes qui ont été condamnés au moment du déluge ?…). Mais ce qui est me semble-t-il important c’est que, là où il est placé dans le credo, l’affirmation selon laquelle Jésus est descendu aux enfers rappelle la réalité de sa souffrance et de sa mort. Si Christ a subi de telles souffrances, de telles épreuves, une mort si réelle jusqu’à faire l’expérience du séjour des morts, et qu’il en a été libéré par la résurrection, alors ceux qui sont en union avec Lui peuvent être assurés de pouvoir expérimenter la même libération des souffrances, des épreuves et de la mort. Mort qui, dans la Bible, désigne bien plus que la mort physique, mais tout ce qui au fond nous sépare de notre Créateur et de la vie à laquelle Il nous appelle. Christ a accompli cette œuvre salvatrice, acte d’amour (Romains 8, 39) car tel était le plan de Dieu (Galates 4, 4-7).