Un couple d’amis catholiques a fait une FIV pour avoir leur petite fille et ils sont mal vus par leur Eglise car la naissance n’était pas naturelle. Comment rassurer la maman ? [Aude]

Je ne sais pas si ce qui compte, Aude, c’est d’abord de rassurer une personne soucieuse de rester en communion avec sa famille chrétienne, ou plutôt de l’inviter à chercher, avec vous peut-être, dans la Parole de Dieu, un guide pour sa foi et pour sa vie. Elle y découvrira que les Ecritures ne sont pas avares de naissances qui n’ont rien de « naturel », et qui sont même improbables, voire carrément hors-normes ! Pensez à Sarah, ménopausée depuis longtemps, qui riait quand on lui disait qu’elle aurait un fils… à Anne, la stérile, qui devint mère de Samuel… sans oublier une certaine Marie de Nazareth. D’autres femmes eurent recours à des moyens que la morale réprouverait pour devenir enceintes (Tamar par exemple qui se déguisa en prostituée, en Genèse ch.38, et pourtant Juda, son client et beau-père, déclarera qu’elle a été plus juste que lui-même, qui ne voulait pas lui donner son fils en mariage, Gn 38,26).

Bien sûr, les moyens techniques de plus en plus sophistiqués dont dispose aujourd’hui la médecine ne sont pas sans danger. Les hommes peuvent être tentés de jouer aux apprentis sorciers, voire de se prendre pour Dieu en disposant à leur guise de la mort et de la vie. Mais dans le cas que vous évoquez, il s’agit d’un couple qui était animé d’un désir d’enfant, et quoi de plus naturel, quoi de plus légitime ? Si le Seigneur leur a permis d’en avoir un malgré leur infécondité, a exaucé leur désir et leur persévérance en dépit de toutes le difficultés (les procréations médicalement assistées impliquent des traitements lourds et à l’issue incertaine), qu’il en soit loué !

Que signifie réellement « lieras et délieras » (Matt. 16, v.19) ? La papauté a-t-elle cette autorité ? Est-ce que tous les pasteurs ont l’autorité? Et les laïcs chrétiens ? [Jean]

Traditionnellement, cette autorité est appelée « le pouvoir des clefs » donné par Jésus à l’apôtre Pierre, juste après qu’il lui a déclaré : « tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Nos frères et soeurs catholiques trouvent ici la justification du ministère du Pape, qu’ils estiment être le successeur de Pierre dans cette fonction d’autorité.

Deux remarques s’imposent à ce sujet.

1°Deux chapitres plus loin dans l’évangile selon Matthieu (18,18), Jésus attribue à tous ses disciples (et pas seulement à Pierre) ce pouvoir de « lier et délier » (c’est à dire, dans le contexte du chapitre, de se prononcer pour ou contre une mesure disciplinaire à l’égard d’un membre de l’assemblée qui refuse de se repentir). Il ne s’agit donc pas d’un pouvoir détenu exclusivement par des « clercs » (ou par le premier d’entre eux) et qui serait refusé aux « laïcs ». En Christ, nous sommes tous laïcs, c’est à dire tous membres du peuple (laos) de Dieu, et tous prêtres (c’est à dire à son service). Et tous appelés à pardonner et à attester à notre prochain, à nos frères et soeurs, le pardon du Père.

2° Si Jésus adresse spécifiquement à Pierre cette double promesse d’être le rocher sur lequel il bâtira son Eglise et de recevoir l’autorité que donne le pouvoir de pardonner (ou pas), c’est parce qu’il vient d’affirmer que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. Pierre est donc en quelque sorte le premier des croyants de la nouvelle alliance, un nouvel Abraham. Le livre d’Esaïe, ch.51,1-2 comparaît justement le patriarche d’Israël, celui qui a cru aux promesses de Dieu, à un rocher. Chaque descendant d’Abraham est comme une pierre qui en a été extraite. Ce qui constitue le fondement de l’Eglise, ce n’est pas Pierre, c’est la foi en Jésus-Christ qu’il a confessée.

Pourquoi mangeons-nous de la viande de porc alors que dans Deutéronome c’est une viande interdite ? Il n’est nullement mentionné dans le Nouveau Testament qu’elle est permise. [Christelle]

Les interdits alimentaires font partie des dispositions de l’alliance que Dieu a conclue avec Israël. Le Lévitique au ch.11, par exemple, stipule parmi toutes les règles par lesquelles le peuple hébreu se rend saint, différent des autres peuples, et se « met à part » pour servir Dieu, la liste des animaux purs ou impurs, propres ou impropres à la consommation (voir aussi Deutéronome ch.14). Mais en Jésus-Christ, l’alliance s’étend à tous les hommes, et les règles et signes qui marquaient cette distinction entre juifs et non-juifs deviennent caduques. Jésus déclare que ce qui rend l’homme impur, c’est ce qui sort de son coeur ! (Marc 7,14-23). Les premiers chrétiens, tous juifs, ont eu du mal à le comprendre (voir Pierre qui résiste à la vision que Dieu lui envoie de manger toutes sortes d’animaux déclarés « impurs » en Actes 10,9ss, avant d’être envoyé à la rencontre du païen Corneille, qui deviendra chrétien à son tour). Le débat persiste parfois, certains chrétiens pensent que les dispositions de la Loi en matière de pureté alimentaire s’appliquent toujours. Aux autres de respecter leur choix de conscience, comme Paul le recommande aux chrétiens de Rome (Romains 14,1ss) ou de Corinthe (1 Co 8).

Quel est le sens du baptême? Est-ce juste un symbole ou a-t-il le pouvoir de régénérer ? [Denis]

Le baptême n’est-il qu’un simple signe, un symbole de l’oeuvre du Christ pour nous, ou a-t-il réellement, « effectivement », voire « matériellement » le pouvoir de nous unir à lui ? Je crois qu’il existe une troisième réponse, plus exacte bibliquement. Il y a dans notre vie des signes qui, tout en restant des signes, sont… plus que des signes. Parce qu’ils constituent une attestation. Par exemple, la signature au bas d’un contrat, ou d’un certificat, est plus qu’une simple trace d’encre désignant mon nom : elle m’engage à respecter les termes du contrat, ou garantit l’exactitude du certificat. Autre geste qui est plus qu’un simple geste : la caresse ou le baiser d’un père ou d’une mère à son enfant. Ce geste est plus qu’une simple déclaration d’affection. Il l’atteste en la communiquant à l’enfant, qui a besoin de ces gestes pour éprouver l’amour de ses parents, et les reçoit comme tels parce qu’il a confiance dans cet amour.

En quelque sorte, ces gestes que l’on appelle les sacrements (les protestants en reconnaissent deux, le baptême et le repas du Seigneur, la Sainte-Cène, appelée eucharistie dans d’autres Eglises chrétiennes) constituent l’engagement, l’attestation donnée par le Seigneur lui-même, attestation que nous recevons avec confiance. Comme l’écrivait Jean Calvin, nous croyons que par l’Esprit Saint, et à condition que nous les recevions avec foi, le baptême, ou le partage du pain et du vin, nous communiquent réellement ce qu’ils nous représentent. Tout en restant en soi de l’eau, du pain et du vin, bien sûr ! Dans le cas du baptême d’un enfant, la foi n’est pas omise, puisque nous avons tous un jour à répondre librement à l’amour de Dieu. Bref, ce n’est pas le fait de recevoir le baptême qui nous régénère ou qui nous unit à Dieu. Ce qui nous sauve, c’est l’oeuvre de Jésus-Christ. Le baptême nous l’atteste. Et je peux dire en prenant le pain et la coupe : « aussi vrai que je mange ce pain, aussi vrai que je bois de cette coupe, aussi vrai Jésus a donné son corps et son sang, sa vie pour moi’.

Les protestants rejettent-ils l’évolution ? Croient-ils au créationnisme ? [Mark]

Je ne peux pas parler au nom de tous les protestants, mais vous exposer simplement une conviction que beaucoup de protestants (et de chrétiens en général) partagent.

Si l’on me pose la question : « pourquoi ce monde, et d’où vient tout ce qui est ? », je réponds que ce monde est le fruit de l’acte créateur de Dieu, comme l’affirme la Bible. Si l’on me demande « comment ce monde est-il apparu, et comment Dieu l’a-t-il créé? », alors je laisse les astro-physiciens et les biologistes nous expliquer que l’univers s’est formé sur des milliards d’années, que la prodigieuse diversité du vivant est le fruit d’un processus d’évolution fort long et complexe, etc. Et je m’émerveille d’autant plus de l’immense sagesse du Créateur.

Et si un partisan du créationnisme m’objecte : « mais le début de la Bible nous dit que tout a été créé en 7 jours », je réponds qu’il faut prendre le premier chapitre de la Genèse pour ce qu’il est, un poème liturgique glorifiant cette sagesse du créateur, et non un exposé scientifique des commencements de l’univers ou de l’apparition de la vie au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Si je prenais Genèse ch.1 à la lettre, comme un déroulement chronologique par exemple, j’aurais bien du mal à expliquer pourquoi le soleil n’est créé qu’au 4e jour alors qu’il n’y a pas de soir et de matin sans lui, donc de jour, sans lui. Ce que je retiens de ce cantique si bien construit, c’est que Dieu crée en ordonnant, en séparant des espaces, puis en les peuplant. Pas de place pour le chaos ou le vide ! Pas de place non plus pour la peur ou l’adoration idolâtre du soleil ou de la lune, divinisés au Proche-Orient à l’époque où ce texte fut composé : ils ne sont là que comme des lampions accrochés dans le ciel pour nous éclairer (voir Genèse 1,17-18). Le monde n’est pas « divin » en lui-même, il nous est donné par Dieu à préserver, à respecter, à connaître et étudier, à aimer. Ce que la science nous a appris avec la théorie du « big-bang », c’est que l’univers n’est ni éternel, ni infini, car il a un commencement, et donc une histoire, et aura aussi une fin. Ici, la science contemporaine a rejoint l’intuition géniale (et inspirée) des premiers mots de la Bible.

Pour résumer, à la question : « Création ou Evolution? », je réponds « faux problème ».

Le Seigneur a dit : Allez et faites de ce monde des disciples. Comment procéder ? Est-ce un programme d’évangélisation ou bien une pratique quotidienne ? [Dimitri]

Eh bien Dimitri, ce mot d’ordre que Jésus ressuscité laisse à ses envoyés (tout à la fin de son ministère terrestre) est à la fois un programme d’évangélisation, et une pratique, une attitude quotidienne. Evangéliser c’est annoncer à ceux et celles que nous cotoyons une Bonne Nouvelle. On peut la formuler ainsi : quelqu’un les aime, à ses yeux ils ont une valeur immense. Ce quelqu’un -celui que Jésus nous a appris à nommer « Père »- les cherche et veut les faire vivre alors qu’ils vont vers la mort. Leur vie, dont Dieu est la source, a donc un sens, une espérance s’ouvre devant eux…

Mais comment procéder, comment le leur dire ? Tout d’abord, en les cotoyant et en prenant le temps de les rencontrer, sans vouloir répondre aux questions qu’ils ne se sont pas encore posées. En leur manifestant concrètement l’amour de Dieu par notre amitié, notre respect profond, notre écoute, notre engagement à leurs côtés si nécessaire. Comment puis-je dire à l’autre : « tu comptes aux yeux de Dieu » s’il n’est pas quelqu’un qui compte pour moi ? Je me souviens d’avoir été abordé à la gare Montparnasse par une personne inconnue qui m’a appelé à me convertir… sans me laisser le temps de lui dire que je partageais sa foi en Jésus-Christ. Au-delà du comique de la situation, j’ai ressenti sa démarche comme agressive.

Le pire contre-témoignage, c’est celui des actes ou des attitudes qui contredisent nos paroles. Même si bien entendu, le Seigneur nous envoie malgré et avec nos ambiguïtés, nos faiblesses, nos contradictions.

La Bible ne se contredit-elle pas entre Jean 5:31 et Jean 8:14 ? [Franck]

Vous relevez, Franck, deux affirmations apparemment contradictoires de Jésus dans le même évangile selon Jean. En 5,31, Jésus affirme qu’il ne pourrait se rendre lui-même témoignage (au sujet de la vérité sur sa personne). En 8,14, Jésus prétend pouvoir le faire ! Mais comme c’est le cas la plupart du temps, c’est la lecture de tout le passage dont est extrait le verset qui donne la solution de l’énigme. En Jean 5,37, Jésus précise que le Père lui rend témoignage, à travers les oeuvres qu’il lui a données à accomplir. Même chose en Jean 8,16-18, où Jésus affirme qu’il n’est pas seul, parce qu’il est l’envoyé du Père, et que le Père témoigne de lui.

Comment dépeindre le Saint-Esprit à des non-croyants ? [Manu]

« Dépeindre » le Saint-Esprit, cela est hors de portée pour quiconque, car Dieu est au-delà de toute représentation. La Bible nous parle de l’Esprit de Dieu comme du souffle, ce qui est une image très riche et suggestive. Jugez plutôt : Nous ne voyons pas le vent, mais nous en voyons et ressentons les effets. Nous ne pouvons le posséder, pas plus que l’on ne peut retenir l’air que l’on respire, mais sans lui nous ne pouvons subsister. Sans l’air qui propage les sons en vibrant, nous n’entendrions aucun son, aucune parole : de même, la Parole de Dieu annoncée et faite chair en Christ ne peut nous atteindre et nous relever si l’Esprit ne nous ouvre les oreilles et le coeur pour la recevoir. Et enfin, « Le vent souffle où il veut », dit Jésus à Nicodème (Jean 3,8). Là où est L’Esprit-Saint, là est la liberté ! Il est le Seigneur, c’est à dire Dieu à l’oeuvre dans notre vie et dans ce monde, puissance que nul ne peut limiter ni contrôler.

Que penser du panenthéisme ? [Pierre]

Oh là là ! Il faudrait écrire un livre pour vous répondre, et je ne peux qu’être très schématique ici. Car il est question de Dieu, et quand nous parlons de lui, nous arrivons très vite aux limites de ce que le langage humain peut exprimer, et au-delà de ce que notre pensée peut saisir.

Commençons par distinguer panenthéisme et panthéisme, lequel identifie le monde et Dieu : le tout, l’univers entier, est Dieu lui-même. Le panthéisme, présent notamment dans les religions de l’Inde, s’oppose clairement à la doctrine biblique de Dieu. En effet, par son acte créateur, Dieu se révèle comme un vis-à-vis du monde, distinct de lui, un Etre personnel (ainsi que les hommes créés à son image), qui entre en relation avec le monde, y intervient (contre le déisme, selon lequel Dieu laisse le monde fonctionner seul, un peu comme une horloge une fois remontée..).

Le panenthéisme, pour sa part, peut être en un sens davantage compatible avec ce que Dieu nous révèle de lui-même dans la Bible : panenthéisme signifie littéralement que Dieu est en toute chose, omniprésent dans le monde (c’est l’immanence de Dieu, son Esprit qui remplit toute la Création). Sans toutefois se confondre avec lui (on parle de sa transcendance, car Dieu est aussi « Père », c’est-à-dire origine, source de tout).

Est-il juste et biblique de faire la distinction suivante : A l’Etat la mission d’assurer la stabilité et la prospérité de la nation ; à l’Eglise celle de s’occuper seule des migrants ? [Philippe]

Dans la perspective biblique, l’autorité de l’Etat lui est déléguée par Dieu pour assurer le bien-être de tous, la justice, bref garantir à chacun liberté et protection éventuelle des plus faibles contre les plus forts, violents, exploiteurs, et autres oppresseurs. Lire par exemple Romains ch.13… Parmi les faibles et les opprimés aujourd’hui, il y a aussi ceux et celles qui, obligés de fuir dictatures, persécutions ou misères se voient déboutés du droit d’asile pour des raisons souvent électoralistes, notamment dans notre pays qui vient de durcir ses conditions d’accueil. Il est clair que les chrétiens (Eglises, associations) ne suffiront pas à la tâche pour suppléer à cette défaillance de l’Etat à assurer la justice, et heureusement que bien des non-croyants viennent en aide à ces gens en détresse sur la simple base d’un devoir d’humanité !

Nous devons donc respecter les personnes investies d’autorité (gouvernement, élus, magistrats, forces de l’ordre, etc), prier pour elles, mais aussi ne pas hésiter à les interpeller, voire à leur résister (pacifiquement bien sûr) quant elles dérogent au mandat qui est le leur. D’autre part, je voudrais lever une ambiguïté dans la formulation de votre question : en quoi la stabilité et la prospérité d’une nation seraient-elles menacées par une politique généreuse d’accueil et d’intégration ? Ceux qui bravent mille dangers et endurent mille épreuves pour parvenir en Europe constituent une élite profitable aux pays d’accueil. C’est ce que Louis XIV a oublié en révoquant l’Edit de Nantes, en 1685 : des centaines de milliers de protestants sont allés enrichir la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, etc. de leur savoir-faire et de leur dynamisme.